Par leurs agissements, nombre d'instituteurs, devant remettre sur rail des écoliers fautifs, ont failli en faire des exclus de l'école. C'est le 21e anniversaire de la Journée internationale des droits de l'enfant. Qu'en est-il de la situation en Algérie? Encore du pain sur la planche. Si certains pays commémorent cette date dans la satisfaction et l'espoir, il s'agit pour notre pays, d'une mise en garde contre les dangers qui guettent ces enfants. Fragile et fragilisée, cette frange est victime d'abus sexuels, de rapt et de séquestration. Plus grave encore, cette violence s'étend à l'école. Censé assurer le rôle de parents, l'enseignant fait preuve d'une agressivité sans précédent. Une faute par inadvertance, une réponse erronée et le bambin à l'école est sévèrement corrigé ou qualifié de bourricot et d'ignare. Des hémorragies nasales ou buccales, des caillots de sang à l'oeil et des problèmes de santé mentale sont le corollaire de cette agressivité. Le bâton que l'enseignant porte dans son cartable semble être présent dans sa bouche. Les agressions verbales et l'injure sont les constantes du climat violent de beaucoup de nos établissements scolaires. «Quand il crie, c'est toute la classe qui résonne. C'est un longiligne au front plat comme celui d'un Maya, qui nous a fait vivre des années cruelles. Le bâton et la cravache sont ses seuls jalons. Le discours encourageant semble être banni de son vocabulaire.» Wissam relate fidèlement, ou presque. Elle ne pouvait mieux dire. Douze ans après, le souvenir n'a pu être oblitéré par le temps qui passe. Brillante élève, elle tremble en évoquant son instituteur de jadis. Actuellement licenciée en lettres françaises, elle en porte encore des stigmates. Pourquoi cette dérive comportementale? A quand l'éveil de l'enseignant qui est, semble-t-il, hypnotisé dans un monde de violence dont il est l'acteur principal? Pourtant, son rôle est pédagogique, dit-on. Violemment frappés, traités de noms infâmes, des élèves fussent-ils brillants, ont fini par rejoindre le banc des indifférents. Petit à petit, ils commencent à fuir l'école. «Alors au primaire, mon enseignante me réserve un traitement des plus sévères. En l'absence d'autres alternatives, je ne cessais d'inventer des problèmes de santé. Sans la maman qui s'est vite rendue compte de ma situation, je n'aurais jamais remis les pieds à l'école.» L'institutrice qui devait mettre sur rail Walid, a failli faire de lui un exclu de l'école. Pédagogues, psychologues et pédopsychiatres s'accordent à dire que cette forme d'éducation est contraignante et ne règle en rien «les états de turbulences». Ils mettent l'accent sur la nécessité d'accompagnement des enfants, sujets en devenir mais surtout sujets humains de plein droit. Une faute commise ne doit pas être réparée par une autre plus grave. «L'irresponsabilité aggrave la faute», disait pertinemment Marcel Proust. «Il est grand temps de songer à des solutions aussi concrètes qu'efficaces. Pour l'élève qu'on pointe du doigt, il est impératif de savoir comment le cerner dans des programmes ou activités pour qu'il reconnaisse sa bourde», résume Mme Benmihoub, psychologue et enseignante à l'université d'Alger. Entre l'élève et l'enseignant, c'est le déchirement total. Cette situation à son paroxysme a fait sortir, il y a quelques mois, Boubekeur Benbouzid de son mutisme. Le premier responsable de l'Education a donné alors des instructions. Il rappelle, comme cela est mentionné dans la circulaire ministérielle, que cette forme de violence est strictement interdite. L'instruction est bien claire. Le ton est ferme. Benbouzid compte instaurer des relations familiales dans l'école. Cependant, les enseignants semblent parler un autre langage. En agissant à leur guise, ils n'entendent pas leur ministre de cette oreille. Lui qui tient à la réussite de la réforme scolaire comme à la prunelle de ses yeux, réussira-t-il à mettre de l'ordre dans les différents établissements? «L'échelle des valeurs sera-t-elle respectée de nouveau?», s'interroge Maître Hassiba Boumerdassi. Un défi de plus s'ajoute au calepin du ministre. La violence est toujours en vigueur, souvent en catimini. L'expérience française peut l'inspirer. Dans une déclaration d'il y a moins d'une semaine, le ministre de l'Education, Luc Chatel, compte faire du développement des sanctions alternatives son cheval de bataille. Les élèves doivent inéluctablement réparer. Comment peuvent-ils prendre conscience de la gravité de leur acte? «Cela peut prendre la forme d'une activité de solidarité ou de formation au sein d'une association, ou d'une réparation à l'intérieur de l'établissement», explique, M.Chatel, Evoquant l'aspect juridique, Me Boumerdassi affirme que toute violence est systématiquement sanctionnée. Néanmoins, précise-t-elle, «il faut qu'il y ait un texte qui traite de cette relation entre l'élève et son enseignant». Une chose est sûre, l'usage de la violence ne rendra pas ces élèves plus disciplinés ou plus géniaux, bien au contraire, il ne fera que les avilir.