Les dirigeants de l'Otan se sont mis d'accord vendredi soir sur la nécessité d'un bouclier antimissile en adoptant un «concept stratégique» qui décrit tout l'éventail des menaces qui pèsent sur leur sécurité et les réponses modernes à leur apporter. Ce document de 11 pages, qui remplace un précédent remontant à 1999, a été adopté au premier des deux jours d'un sommet de l'Alliance atlantique à Lisbonne. Grande nouveauté, il mentionne un système antimissile destiné à protéger les populations et les territoires de l'Otan, qui sera désormais «un des éléments centraux de (leur) défense collective». Une coopération sera proposée à Moscou dans ce domaine, ajoute le document, à la veille d'un sommet Otan-Russie. Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, n'a pas caché qu'il espérait que dès samedi (hier) la Russie annonce au moins la reprise de la coopération avec l'Alliance sur un bouclier antimissile moins ambitieux, car limité aux soldats en opération, et qui avait été interrompue début 2008. Le président Barack Obama s'est félicité que les alliés s'accordent «pour développer un système de défense antimissile suffisamment puissant pour couvrir le territoire européen de l'Otan et ses populations, de même que les Etats-Unis». Dans une phase ultérieure, en effet, ce bouclier installé en Europe pourrait contribuer aussi à la défense des Américains, un élément d'ailleurs à l'origine des soupçons qu'entretient Moscou depuis le début sur les mobiles des Occidentaux. Le «concept stratégique» ne mentionne ni les pays comme l'Iran, ni les régions comme le Moyen-Orient, censés constituer une menace de prolifération balistique et nucléaire justifiant l'installation de ce bouclier. La Turquie a obtenu satisfaction à ce sujet. La France et l'Allemagne, qui étaient en désaccord sur le rôle respectif de la dissuasion nucléaire et de la défense antimissile, ont fini aussi par trouver un compromis ménageant et leurs intérêts et leurs sensibilités. Comme le souhaitait Berlin, le document «engage l'Otan sur l'objectif qui consiste à créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires». Comme Paris y tenait, il «reconfirme que tant qu'il y aura des armes nucléaires dans le monde, l'Otan restera une alliance nucléaire». Même si un recours à l'arme nucléaire est jugé «extrêmement improbable», la «garantie suprême» de la sécurité des alliés découle des arsenaux stratégiques «en particulier des Etats-Unis», mais aussi des forces de frappe britannique et française. Outre la menace balistique que le bouclier est appelé à contrer, les dirigeants alliés énoncent d'autres menaces directes et grandissantes comme le terrorisme, les cyberattaques, ou des vulnérabilités, en appelant les alliés à se doter des capacités de riposte correspondantes. Sans guère parler de l'Afghanistan, l'Otan affirme sa vocation à mener à l'avenir d'autres expéditions lointaines, de contre-insurrection ou de stabilisation, en tenant largement compte de son expérience afghane et en se dotant d'une «modeste» cellule civile de gestion de crise. M. Obama s'est par ailleurs réclamé d'un appui assez exceptionnel des alliés européens des Etats-Unis à la ratification rapide du traité de désarmement nucléaire russo-américain Start signé en avril, que bloquent encore des membres de l'opposition républicaine au Sénat. M.Rasmussen a abondé dans son sens: «Je regretterais profondément que la ratification du traité Start» par le Congrès des Etats-Unis «soit retardée» car cela «nuirait à la sécurité des Européens», a-t-il insisté. Le nouveau Start prévoit une réduction de 30% du nombre de têtes nucléaires détenues par les deux superpuissances atomiques. Les Européens souhaitent que cette hypothèque soit levée au plus tôt, car elle ne peut qu'empêcher le développement de la coopération avec la Russie et de nouveaux progrès dans le désarmement en Europe.