L'ex-Premier ministre français Dominique de Villepin a confirmé jeudi devant la justice ses soupçons de corruption sur des contrats d'armement des années 90, sans citer de noms dans cette affaire qui constitue pour lui un nouveau duel politico-judiciaire avec Nicolas Sarkozy. La justice française s'intéresse à un circuit de corruption présumé ayant accompagné la vente de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie Saoudite en 1994. A des commissions versées à des décideurs, légales à cette époque, se seraient ajoutées des rétrocommissions par lesquelles une partie des sommes revenait illégalement en France au profit de responsables français. La justice cherche aussi à établir s'il y a un lien entre l'arrêt du versement d'une partie des commissions en 1995 et un attentat à Karachi en 2002 qui a coûté la vie à 15 personnes dont 11 Français, travaillant à la fabrication des sous-marins. Selon Me Olivier Morice, l'avocat des familles de victimes de l'attentat, qui a assisté à l'audition de Dominique de Villepin, ce dernier a affirmé avoir «des convictions très fortes» que les rétrocommissions «avaient financé des partis politiques soutenant le Premier ministre» de l'époque, Edouard Balladur. La justice soupçonne que ces rétrocommissions ont servi à financer en 1995 la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était alors le porte-parole. Edouard Balladur s'était présenté contre son rival Jacques Chirac, membre du même parti, mais s'était fait battre au premier tour. A son arrivée à la présidence, Jacques Chirac, qui avait nommé M.de Villepin secrétaire général de l'Elysée, a ordonné la révision de ces contrats d'armement et l'interruption du versement d'une partie des commissions. C'est Dominique de Villepin lui-même qui a demandé à être entendu comme témoin par le juge Renaud van Ruymbeke. Il avait fait état hier de «très forts soupçons» de corruption, tout en précisant deux jours plus tard qu'il n'y avait «pas de preuve formelle». «M.de Villepin sait qu'il est capable de mettre des noms de personnes, mais ne veut pas mettre ces noms, de peur de mettre en difficulté son courant politique», a expliqué Me Morice, ajoutant que M.de Villepin «était resté silencieux pendant dix minutes» après une question du juge sur la destination des rétrocommissions. La justice se demande aussi s'il y a un lien entre l'interruption de ces commissions décidée par Jacques Chirac et l'attentat de Karachi, sept ans plus tard.