Mourad Guerbas est l'un des chanteurs kabyles de la nouvelle génération qui drainent le plus de spectateurs. Ses cassettes s'arrachent chez les disquaires. A peine trentenaire, il connait déjà la célébrité avec son avers et son revers. Dans cet entretien, Mourad Guerbas fait un voyage dans le temps et raconte les premiers pas qui ont précédé cette ascension fulgurante. L'Expression: Avant d'atteindre ce stade de célébrité, vous êtes sans doute passé par des épisodes difficiles dans votre carrière artistique? Mourad Guerbas: Effective-ment, mon parcours est quelque peu particulier. Le jour où Matoub Lounès a été assassiné, j'étais au studio en train d'enregistrer ma première cassette. C'était en 1998. Mais ce n'était pas un album composé de chansons rythmées. Ma première casette était constituée de chansons de style chaâbi. J'ai eu du mal à trouver un éditeur pour cet album. Finalement, il a été édité aux éditions DAV. Mais, l'album n'a malheureusement pas connu de succès. J'ai donc décidé d'observer une longue halte pour savoir si je devais continuer dans la même trajectoire. Puis, vous avez pris la décision de vous reconvertir au style rythmé et le succès est venu dès le premier album... C'était en 2005. J'ai constaté qu'à chaque fois que je me produisais dans les fêtes de mariage, les gens éclataient et en redemandaient. C'est à partir de là que l'idée a germé. Je me suis dit pourquoi pas un album consacré à 100% aux chansons de fêtes. J'ai rencontré Tewfik Ameur qui m'a beaucoup aidé sur le plan musical. Aujourd'hui, je suis à mon septième album et hormis le premier, tous les autres ont connu un grand succès. Vous avez grandi dans un milieu d'artistes, n'est-ce pas? Oui. Dans ma famille, la majorité chante et joue de la guitare. Quand j'ai grandi, j'ai trouvé un mandole à la maison et c'est tout naturellement que je me suis mis à en jouer. Au départ j'avais une passion pour le dessin que j'ai vite abandonné au profit de la chanson. J'écoutais beaucoup Cheikh El Hasnaoui, Slimane Azem, Abdelkader Meksa et Matoub Lounès. Mon idole reste Cheikh El Hasnaoui. Pourquoi spécialement lui? Cheikh El Hasnaoui est un vrai mystère. Ses chansons sont immortelles et on ne se lasse pas de les écouter. Pourtant, à l'époque où il a commencé à chanter, il n'y avait pas de moyens. Le succès de ses chansons est inexplicable. Ce sont des chansons qui ont une âme, c'est peut-être l'unique raison de leur immortalité. Revenons à votre deuxième album, plutôt le premier dans le style non-stop. Avez-vous eu du mal à trouver un éditeur cette fois-ci? Pas du tout. J'ai édité cette cassette chez Irath Music dont le responsable a apprécié le style. Avez-vous été surpris par le succès de cet album? Oui. Je rêvais de ce succès, comme tout artiste, acteur ou footballeur. Cela dit, il faut, par la suite, savoir et pouvoir gérer ce succès et ce n'est pas chose facile. Il faut garder les pieds sur terre, car le public peut te lâcher à tout moment, ne jamais cesser de penser à ce public. Vous allez animer un gala de solidarité à l'hôpital psychiatrique de Oued Aïssi, êtes-vous prêt à vous produire régulièrement dans des spectacles humanitaires? Le mois de décembre prochain, je vais animer un gala de solidarité à Oued Aïssi comme je l'ai fait l'année dernière. Je suis disposé à répondre à n'importe quel appel de ce genre, lorsque mon calendrier le permet. Vous faites aussi plusieurs spectacles en France. Parlez-nous de vos activités dans ce pays? La première fois que je me suis produit en France, c'était en janvier 2007 au Zenith de Paris. Le spectacle a été organisé par Akfadou Production. J'ai effectué un bon passage à cette occasion. Puis j'ai gardé de bons contacts avec Omar Akfadou. Juste après, j'ai fait des sorties au Cabaret Sauvage et à Lyon, et je me suis produit au Canada. Actuellement, je suis en contact avec l'association Akka pour un gala aux Etats-Unis. La date de ce spectacle n'est pas encore arrêtée. Qu'en est-il de vos clips? J'ai réalisé pas mal de clips, notamment celui de l'album Je pense à toi et Mazal el khir ar zat. J'ai décidé d'arrêter la production de DVD. Je pense qu'il faut innover pour ne pas tomber dans la redondance. L'argent et un bon scénario sont indispensables pour la réalisation d'un clip de bonne qualité. La production de clips est fortement pénalisée par le phénomène de piratage... C'est vrai, mais il s'agit d'un problème mondial. On n'y peut rien malheureusement. Comptez-vous produire un live pour cette année? Il sera produit l'année prochaine. Je compte éditer mon premier live, en version audio et audiovisuelle. Tout est fin prêt. Il reste juste quelques finitions. Beaucoup d'observateurs, notamment les vieux artistes, critiquent votre style. Pourquoi, selon vous? Personnellement, je respecte tous les styles de musique. Je chante en kabyle et je suis fier de le faire. Quand on chante, on ne peut pas plaire à tout le monde. Certains apprécient et d'autres vous critiquent et c'est ça la vie. Revenons à vos textes. C'est vous-même qui les écrivez. Chantez-vous sur votre propre vie ou bien vous inspirez-vous d'autres situations? La majorité de ce que je chante, je le ressens et je le vis. Mais je m'inspire aussi d'autres cas. Beaucoup d'artistes, une fois célèbres, s'installent en France, vous êtes resté en Algérie. Pourquoi ce choix? Je me sens très bien dans mon village. Je me sens bien avec les miens. Je continue de vivre là où j'ai passé mon enfance. C'est ici que j'aime vivre.