«Ces élections ont un goût de sang et une odeur de poudre. Les citoyens ont été sacrifiés pour que le PND reste au pouvoir», a affirmé la Coalition indépendante pour l'observation des élections. Urnes bourrées, votes achetés, personnes tuées: les critiques se sont amplifiées hier contre la manière dont s'est déroulé le premier tour des élections législatives en Egypte, où le parti au pouvoir est donné largement gagnant, et l'opposition islamiste en reflux. Le dépouillement, qui a débuté après la fermeture des bureaux de vote dimanche soir, se poursuivait hier, avant publication aujourd'hui des résultats, que la presse anticipe excellents pour le Parti national démocrate (PND) du président Hosni Moubarak. Les Frères musulmans, principale force d'opposition, ont déclaré hier que ces législatives étaient «truquées et pas valables». Selon eux, partout où leurs candidats ont une chance d'être élu ou en ballottage, le pouvoir est en train de falsifier les résultats. Le quotidien indépendant Chourouq citait hier le témoignage d'un juge protestant contre des fraudes. Plusieurs journaux et des observateurs ont fait état de deux à quatre morts dans des affrontements entre militants, ou provoqués par des hommes de main recrutés par des candidats, une pratique fréquente en Egypte. Des photos de manifestations violentes et de policiers tirant des gaz lacrymogènes étaient en Une de plusieurs titres. «Ces élections ont un goût de sang et une odeur de poudre. Les citoyens ont été sacrifiés pour que le PND reste au pouvoir», a affirmé la Coalition indépendante pour l'observation des élections. Cette fédération d'observateurs non-gouvernementaux égyptiens a diffusé un dossier décrivant en détail 83 cas d'irrégularités ou de violences, dans treize des trente gouvernorats d'Egypte. Le PND est mis en cause dans un grand nombre de cas, mais des candidats indépendants ou d'autres partis sont aussi cités. Dans de nombreux endroits, les délégués de candidats indépendants ou d'opposants, censés surveiller le vote, ont indiqué s'être vu interdire l'accès aux bureaux de vote et aux centres de dépouillement. La Coalition cite des cas de votes achetés, d'urnes pré-bourrées prêtes à remplacer les vraies, et de faux bulletins de vote. L'organisation américaine Human Rights Watch a elle aussi dénoncé les conditions dans lesquelles le scrutin s'est tenu. «L'exclusion répétée de représentants de l'opposition et d'observateurs des bureaux de vote, de même que les informations faisant état de violence et de fraude, suggèrent que les citoyens n'ont pas pu prendre part à des élections libres», écrit un responsable de HRW, Joe Stork, dans un communiqué. Le ministre de l'Information, Anas el-Fekki, s'est en revanche félicité dans un communiqué du «haut degré de transparence» du scrutin de dimanche, qui sera suivi d'un second tour le 5 décembre. Il a assuré que les incidents, «limités», n'avaient «pas affecté la conduite générale et l'intégrité de l'élection», et que les morts rapportées n'étaient pas liées au scrutin. Sans surprise, le Parti national démocrate (PND) du président Hosni Moubarak est donné largement gagnant de cette élection, par laquelle il entend conforter son emprise face à l'opposition islamiste. Avant même les premiers résultats, le journal gouvernemental al-Ahram annonce que «le PND devance les autres» et al-Dostour (indépendant) assure que tous les ministres qui se sont présentés seront élus. Les Frères musulmans, officiellement interdits, ont présenté des candidats sous l'étiquette indépendants. Ils avaient remporté un cinquième des sièges en 2005.