Le président russe, Dmitri Medvedev, a mis la pression hier sur les Occidentaux en brandissant la menace d'une nouvelle course aux armements si un accord n'était pas trouvé sur la création d'un système antimissile conjoint avec l'Otan. «Dans les dix ans à venir, nous avons le choix: soit nous nous mettons d'accord sur la défense antimissile et nous créons un vrai mécanisme de collaboration, soit si nous n'arrivons pas à trouver un accord constructif, il y aura une nouvelle spirale de course aux armements», a déclaré M.Medvedev dans une adresse à la Nation. En cas d'échec, «nous devrons prendre une décision sur le déploiement de nouvelles forces de frappe», a-t-il poursuivi. Au Sommet de Lisbonne, le 20 novembre, la Russie et l'Otan ont décidé d'approfondir leur coopération sur la défense antimissile, mais le président russe avait alors prévenu que la Russie ne donnerait une réponse positive à un bouclier en Europe que si elle y était impliquée à part entière. Il a précisé hier que sa proposition faite à Lisbonne prévoyait d'unir «le potentiel russe et celui de l'Alliance pour protéger tous les pays européens des frappes de missile». Le quotidien américain Wall Street Journal a écrit fin novembre, citant des participants au sommet, que le président russe avait formulé une proposition à huis clos au cours d'un échange avec les 28 dirigeants de l'Alliance atlantique. Aux termes de cette proposition, qualifiée de «défense antimissile sectorielle», la Russie prendrait la responsabilité de la défense antimissile pour tout projectile tiré en direction de l'Europe qui survolerait son territoire ou sa zone de responsabilité. Les pays de l'Otan feraient de même pour tout missile tiré en direction de la Russie. Les dirigeants de l'Otan ont poliment rejeté cette proposition en la renvoyant à l'examen par leurs experts, selon Wall Street Journal. Pour l'Otan, il n'est pas question pour l'instant d'un système intégré avec la Russie, mais d'un lien entre son propre bouclier - principalement basé sur la technologie américaine - et celui de Moscou, consistant en un échange d'informations et des procédures d'alerte mutuelles. Selon des experts russes, les déclarations du président Med-vedev ont pour but de montrer que la Russie ne cédera pas face aux Occidentaux et sont aussi destinées à un usage interne. «C'est dénué de sens, l'Otan n'acceptera pas un système de défense antimissile sur les conditions russes et la Russie n'a pas d'argent pour déployer de nouvelles forces de frappe», commente Alexandre Konovalov de l'institut des évaluations stratégiques. Pour Pavel Felgenhauer, analyste militaire indépendant, la Russie cherche à pousser les Occidentaux à signer «un accord juridiquement contraignant pour que le système antimissile ne vise pas son territoire». «C'est une tentative de dire à l'Otan que la Russie prend elle-même ses décisions et de montrer aux électeurs que le président est un homme fort, capable de prendre des décisions, qu'il est comme Vladimir Poutine (son Premier ministre), voire meilleur», ajoute M.Konovalov. Les médias du monde entier ont diffusé lundi des commentaires de diplomates américains révélés par le site WikiLeaks, décrivant M.Medvedev comme un président «falot et hésitant» face à un Vladimir Poutine qualifié de «mâle dominant».