Malgré son jeune âge, le Sétifien, comme aimaient l'appeler jadis les supporters du CR Belcourt (le CR Belouizdad actuellement), était devenu une pièce maîtresse du grand Chabab. La silhouette est toujours aussi élégante, la démarche ferme et le regard angélique. Malgré ses soixante ans, Rachid Messahel n'a pas pris une seule ride; comme un vin qui se bonifie avec l'âge, il a su garder la ligne et préserver intacts tous ses réflexes. Bon chic bon genre, l'ex-virevoltant attaquant du grand Chabab des années soixante, est resté quasiment le même. Seuls quelques kilos superflus trahissent, un tant soit peu, le personnage. En le voyant, on a l'impression que le temps n'a pas déteint sur lui et qu'il s'est arrêté comme pour le protéger et éloigner de lui le mauvais oeil et les mauvais esprits. Très jeune, il a cru en sa bonne étoile. Le destin a voulu qu'il vienne au monde un matin de novembre. Un signe, un clin d'oeil à l'Histoire, car c'est ce mois sacré que les glorieux combattants de l'ALN ont choisi pour s'engager dans la lutte de libération du joug colonial. D'où ce tempérament de feu et cet esprit de battant qui l'accompagneront tout au long de sa carrière. Une carrière jalonnée de titres et d'exploits. Entamée tambour battant en 1964, elle nous rappelle curieusement celle d'un illustre footballeur brésilien. Comme lui, il savait tout faire avec un ballon et le football était pour lui une seconde religion. Comme lui, il a évolué dans un club mythique, aux côtés de stars de niveau mondial. Comme lui, il est parvenu à arracher une place de titulaire alors qu'il n'avait que seize ans. Comme lui, enfin, on l'a affublé d'un surnom. La comparaison entre Edson Arantes Do Nacimento, dit Pelé et Rachid Messahel s'arrête là et ne va pas plus loin. Car tout le monde sait qu‘entre eux, il n'y a pas photo. Reconnaissons, néanmoins, qu'ils ont quelques points en commun. Le roi était son idole. Bien qu'évoluant sur un registre diffèrent, le petit Rachid ne tarde pas à se frayer un chemin, à se faire un nom. Surnommé le Sétifien en raison de ses origines (né à Aïn Oulmane), il apporte un plus à l'attaque du CRB qui avait déjà fière allure avec les Lalmas, Kalem, Selmi et Achour. A l'aise, aussi bien à l'aile droite qu'au milieu en tant que demi créatif, le Sétifien monte en grade et prend définitivement la place du légendaire Chenen. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, cerise sur le gâteau, il gagne avec le CRB de nombreux titres dont un historique triplé: Championnat d'Algérie, Coupe d'Algérie et Coupe du Maghreb en 1969. «A l'époque, on jouait pour les couleurs, on mouillait le maillot et on ne trichait pas», dit-il d'une voix hésitante, teintée d'amertume et de regrets. Rachid Messahel sait de quoi il parle car le football actuel semble avoir tourné le dos à son passé. On ne parle que d'argent et de primes mirobolantes. Tant pis pour le spectacle! Adieu le fair-play, au diable l'éthique! Comme pour dénoncer cette frénésie, cette propension à ne s'intéresser qu'à l'oseille et sa couleur, Rachid Messahel s'indigne et révèle: «Pour inciter les joueurs à gagner une rencontre, on leur propose parfois jusqu'à vingt millions de centimes. Et dire qu'en 1969, année où nous avions gagné le fameux triplé, les dirigeants ne nous avaient offert que huit cents dinars en guise de récompense.» Autres temps, autres moeurs. Pour le Sétifien, le challenge sportif passe avant toute chose, même si on lui avait offert tout l'or du monde, il n'aurait pas changé. Pour lui, «c'était déjà un honneur de jouer dans un club comme le CRB». Cette humilité et cette passion qu'il voue au ballon rond, ne le quitteront jamais, même lorsqu'il décida de mettre un terme à sa carrière avec le CRB en 1977, et d'entamer une seconde en France, avec le club de Roanne au sein duquel il est resté une quinzaine d'années. Grâce à cette longévité, il a pu connaître d'autres sensations, d'autres moments de joie et de bonheur qu'il a partagés avec d'autres joueurs de légende, d'autres stars. Après l'attaque mitrailleuse du CRB des années soixante, c'est celle de l'AS Saint-Etienne des années soixante-dix, avec les Beretta, Synaegel, Patrick Revelli et Triantafilos qu'il a découverts et accompagnés. Sacré Messahel.