Vendredi 17 décembre, par un matin froid, a débuté à la cinémathèque d'Oran la projection des courts métrages en compétition dans une salle presque vide. Des films au caractère sombre et où la souffrance de l'autre se veut le trait dominant. Dans Obsession (16 mn) le réalisateur tunisien Amine Cheboub met en scène le talentueux comédien Mohamed Ali Nahdi dans une histoire à suspense. Un homme d'une trentaine d'années emménage dans une maison. Il découvre, derrière un tableau accroché au mur, un drôle de bouton rouge sur lequel il hésite à appuyer. Les scénarios des plus farfelus fusent dans sa tête. Cela devient une obsession. Finira-t-il par appuyer? Le cordonnier, est un film saoudien de Ahd kamel. C'est l'histoire d'un cordonnier irakien qui rentre chez lui après avoir été détenu à tort par les forces d'occupation durant deux heures. Ses retrouvailles avec sa femme Nidal et son fils Mahmoud sont difficiles. Le film raconte sans le prononcer la part d'ombre que porte en lui ce personnage au dos mutilé et dont les silences sont plus éloquents. Comme le sont la plupart des séquences du film lesquels sont traversés par un silence profond. La bande musicale du générique est signée Karima Neit, une chanteuse algérienne qui entonne à juste titre Koul saber endu Nidal, double jeu de mots pour mettre en exergue la souffrance des condamnés et le soutien indéfectible qu'ils peuvent trouver notamment ici chez leur famille. Nida étant synonyme de combat et Saber de patient... Dans Partage, le pathétique trouve son paroxysme dans ce film irritant. Partage du Libyen Salah Ghuwedr est une histoire de pieds, celle de deux enfants que la malchance a fait naître dans un pays laminé par la pauvreté et la guerre. Habitant un village reculé où rôde à chaque fois un scorpion, comme symbole d'une menace de danger imminent, ils seront amenés lors d'un fâcheux accident du destin l'explosion d'une bombe- à partager une paire de chaussures. Et partir enfin ensemble, enfin à l'école... C'est ce qu'on appelle quasiment de l'humour noir. La première leçon de la Palestinienne Areen Omari, comédienne et désormais réalisatrice (elle est la femme du célèbre réalisateur Rachid Masharaoui, déjà venu l'an dernier au Festival du film arabe où il avait présenté son film L'Anni-versaire de Leïla est tout aussi poignant, la pointe tragique en moins. Une actrice palestinienne fatiguée par le stress, par sa vie et sa ville, décide de partir compléter sa formation en France. Changer d'air, s'épanouir en tant qu'artiste. A Paris, elle se met à suivre des cours de langue française. En cours, son histoire la rattrape quand elle est sollicitée pour se présenter dans la langue de Molière. «Je vis en Palestine et la capitale est Jérusalem.» Mais voilà qu'un Américain et un israélien ne l'entendent pas de cette oreille. Elle finit dans un coin du banc dégustant un morceau du gâteau traditionnel de son pays. Un signe qui renvoie à l'enracinement identitaire, un sujet qui domine le cinéma palestinien. Comment cela peut-il être autrement? Ce film montre, si besoin est, que là où on va l'on est indubitablement rattrapé par ses origines. Ce film, nous a confié la comédienne, est sa première expérience en tant que réalisatrice. Bien qu'endosser une double casquette a été difficile, elle a tenu à jouer le rôle de cette femme car le sujet a-t-elle dit «m'intéressait beaucoup». Areen Omari, note-t-on, a aussi signé le scénario. Ce film, elle l'a donc porté comme un bébé. Dans Solo, le film de l'émirati Ali Al-Jabrari, il est question du drame que vit l'artiste, marginalisé, incapable de faire valoir son art. Son personnage principal est incarné par l'excellent Nawaf El Djanahi- Il a déjà participé au Festival du film arabe d'Oran d'abord par un court métrage, Miroirs du silence, puis par un long métrage intitulé The Circle, deux films où l'on distingue cette veine humaniste dont celle du statut de l'artiste défendu clairement dans son court métrage. Ce n'est sans doute pas fortuit si l'acteur a accepté de jouer dans ce film (Solo), Nawaf étant un artiste très engagé et sensible à tout ce qui touche à ce domaine-là. Dans Solo, il joue le rôle d'un saxophoniste rôdant la nuit en quête de travail. Les boîtes de nuit ne veulent pas de lui. Il trouvera un semblant d'auditoire dans la rue en étant accepté par ces gens de la nuit. Un côté lugubre qui dessine les contours d'un destin bouché, celui des artistes en mal de confirmation dans les pays arabes. Bref, on l'aura compris, ces cinq films sont le miroir d'un malaise et de la préoccupation des sociétés arabes qui méritent d'être bien pris en considération. Le cinéma sert parfois à ça. Quand cela est bien fait, c'est encore mieux.