Ce nouveau massacre porte à quelque 1200 le nombre de tués depuis le début de l'année. Effrayant. Le colloque international d'Alger sur le terrorisme s'ouvre au moment où les familles de Boukadir, dans la wilaya de Chlef, terminent d'enterrer leurs morts. Ce nouveau massacre, imputable au groupe séparatiste d'avec le GIA, les Houmât ed-daâwa es-salafiya (Ghds), très hégémonique à Chlef et autour des monts de l'Ouarsenis, vient, à point nommé frapper l'esprit des observateurs étrangers. Frapper l'esprit d'abord par le nombre élevé des victimes, 21 dont des femmes et des enfants. Frapper encore l'esprit par le fait que des organisations dites «terroristes» puissent avoir une perception politique assez aiguë pour lancer un tel message aux participants étrangers. Le dernier message, un autre horrible massacre perpétré, toujours, à Chlef, a coïncidé avec l'arrivée du Medef en Algérie. Au tout début de l'été, le massacre de Sendjas, toujours à Chlef (23 personnes assassinées et 1 femme enlevée) avait été perpétré la veille des élections législatives du 30 mai. En termes clairs, chaque échéance électorale ou événement de portée internationale est précédé d'actes terroristes plus sauvages et plus exécrables les uns que les autres. Telles que les choses se présentent aujourd'hui, on ne peut se suffire de constations hâtives ou d'interprétations toutes faites, car le champ géopolitique en matière de répartitions des groupes armés n'a jamais été aussi opaque. Après dix ans d'activité sanglante (1992-2002) le GIA, après la mort de Antar Zouabri, en février dernier, puis le démantèlement du réseau algérois, en juin, connaît une difficile agonie. Ses derniers hommes, une cinquantaine (si l'on exclut l'idée de nouveaux ralliements), restent aux aguets, dans la plaine de la Mitidja (Attatba, Boufarik, Bouinan, Hammam Elouane, Bougara, Tablat, etc.) et dans le «triangle de la mort», Blida, Médéa et Khemis Miliana. Empiétant presque sur cette dernière «aire d'activité», le Gspd, de Abdelkader Saouane, mort au début de l'été «d'hyperglycémie», selon des sources proches de Ksar El-Boukhari, semble atomisé. La disparition brutale du chef charismatique, le «Abou Thoumama» des maquis laisse des groupuscules quasi autonomes, qui écument Derrag, Djendel et poussent parfois jusqu'au littoral, vers la wilaya de Tipasa. A partir des frontières ouest de la ville de Aïn Defla, c'est vraisemblablement l'ex-katibate El Ahoual, devenue le Ghds, qui est hégémonique. Sa suprématie va jusqu'aux frontières ouest du pays (Maghnia, Tlemcen et Aïn Sefra). C'est à cette organisation que sont imputés la plupart des massacres qui ont frappé principalement, depuis le début de l'année et de manière répétée, les wilayas de Tiaret et Chlef. Le Gspc de Hassan Hattab continue à activer dans ses zones de prédilection, la Kabylie et les villes de l'Est portant la violence à Skikda, Jijel ou Tébessa afin de desserrer l'étau sur ses hommes encerclés dans les maquis de Boumehni, Mizrana, Sidi Ali Bounab et Takhoukht. L'émergence de petits groupes çà et là et la disparition d'autres rendent utopique ou purement spéculative toute lecture ; de même que les nouvelles formes de terrorisme que certains groupes adoptent (brigandage, représailles, expéditions punitives, vol, rapt, racket, trafic d'armes, vente de munitions, narcoterrorisme, etc.) embrument davantage toute interprétation sur les nouvelles motivations des groupes armés. Pire, certains groupes ont complètement versé, et depuis longtemps, dans le «massacre pur», c'est-à-dire dans l'assassinat qui ne porte aucun habillage islamiste, mais qui s'apparente à des «contrats à remplir». Ces groupes perpètrent leurs crimes en contrepartie d'une somme d'argent, en échange d'une autre «intérêt» ou sur la base d'un «deal». En fait, les actes de terrorisme qui se déroulent sont beaucoup plus pernicieux que ce que peuvent en conclure les tenants du «total war», logique guerrière et sans grands effets, induits par les événements du 11 septembre 2001. En tout état de cause, tous les messages lancés par les groupes armés sont à décrypter avec un maximum de précaution.