Le représentant de l'ANP a «lavé blanc» les généraux qu'on accuse de corruption. «L'armée ne s'occupe ni du politique ni de l'économique». C'est ce qui ressort de l'intervention du général-major Mohamed Touati, conseiller pour les affaires de défense à la présidence de la République, sur la chaîne de la télévision française LCI jeudi soir. Il répondait au journaliste français Pierre-Luc Séguillon dont il était l'invité. Cette «sortie» inhabituelle sur une chaîne étrangère n'est pas sans signification. On peut y voir le désir de passer le message au reste du monde d'une armée résolument tournée vers les seules prérogatives que lui dicte la Constitution. Ceci après des années au cours desquelles se sont succédé des campagnes virulentes contre son intégrité et son homogénéité, mais aussi dans ses implications dans la gestion du pays. Cela va du choix des premiers magistrats du pays, aux choix politique et économique en passant par la nomination des autres hauts responsables à différents échelons. Sans oublier les affaires de corruption dont, certains ont voulu l'accuser. Le général-major Touati a répondu à toutes ces questions, très souvent en précisant qu'il le faisait «en son nom personnel». Evoquant l'arrêt du processus électoral en 1992, le général justifie ce choix par «la menace qui pesait sur l'Etat nation» en précisant que si la même situation devait se reproduire il «n'en garantirait pas les réactions». Pour lui le terrorisme qui a suivi avait, certes, des motivations religieuses au début, mais qu'actuellement «les groupes, qui sévissent, ont fait jonction avec le banditisme» pour preuve il cite les cas de rackets et les razzias de provisions. A la question du journaliste qui voulait savoir si le Président Bouteflika prenait librement ses décisions sans l'aval de l'armée, le général-major à eu cette réponse: «Pour celui qui connaît le caractère du Président et aussi son cursus, la question ne se pose pas.» avant de citer l'organisation du référendum sur la concorde civile comme exemple de grande décision personnelle de Bouteflika. Cependant il esquivera l'insistance du journaliste sur «la ligne rouge» maintes fois citée. D'ailleurs si l'opinion a pu prêter à l'armée son soutien au candidat Bouteflika en 1999 donc son immixtion dans le champ politique pour le général, cela est dû à ses opposants et notamment aux autres candidats qui n'ont pas pesé lourd face à lui. Pour Touati donc, l'armée n'a plus rien à voir avec la gestion du pays et que le pouvoir civil est aujourd'hui une réalité en Algérie. La Kabylie a été également abordée lors de l'entretien. Le général-major Touati n'a pas hésité pour dire que la situation n'a empiré que parce que «la répression y a été dure, même très dure». Le représentant de l'ANP a «lavé blanc» les généraux qu'on accuse de corruption et qui recycleraient leur argent notamment par le biais du Groupe Khalifa. Touati prend pour preuve les réserves de change estimées à 24 milliards de dollars, qui «si elles sont toujours là démontrent que personne ne prend rien» et que les accusations d'un Noël Mammere (député Vert français) «ne nous étonnent pas venant d'un ennemi notoire de l'Algérie». Sans nier toutefois que des cas d'affaires peuvent exister ici et là et se justifie par la qualité de la morale ambiante à tous les niveaux en Algérie. Cela dit Touati reprend certaines appréhensions sur la fulgurante réussite du Groupe Khalifa qui prédisent que l'entreprise ne peut être à long cours. En guise de conclusion, le général-major Touati espère que dans les rapports entre la France et l'Algérie soit mise «à profit l'histoire. Aux uns comme aux autres. il faut tarir le mal et fleurir le bien». Pour inattendue, l'intervention pour la première fois du général-major Touati sur une chaîne étrangère n'en a pas moins apporté des clarifications pour tous ceux qui spéculent sur le champ d'intervention de notre armée surtout à l'approche de l'échéance présidentielle.