Ce poste a toujours été au centre d'enjeux stratégiques. Lors de la campagne électorale, le 25 mai à Laghouat, le nouveau Chef du gouvernement, Ali Benflis, avait abordé le sujet de la réforme de la Défense nationale qui devrait se baser sur la construction progressive d'une armée moderne et professionnelle et la réduction de la durée du service national. Le débat sur l'Armée et la Défense nationale, développé ainsi sur la scène nationale par Benflis actuellement en pleines consultations pour former son staff gouvernemental, ouvre plusieurs champs d'interrogations. Alors se pose la plus pertinente des questions: pourquoi ne pas nommer un ministre de la Défense? Les autorités politiques de notre pays «sautent» à chaque changement d'exécutif, ce portefeuille. Tabou des tabous, le poste de ministre de la Défense en Algérie a toujours été au centre d'enjeux stratégiques. Et il semble qu'après l'expérience de Nezzar et de Zeroual à la tête du département des Tagarins, un consensus semblait avoir été trouvé au sein de la haute hiérarchie militaire. Les affaires administratives courantes de l'Armée sont ainsi gérées par le secrétaire général du ministère, le général-major Ahmed Senhadji alors que les dossiers sensibles, opérationnels et stratégiques le sont par le chef de l'état-major, le général de corps d'armée Mohamed Lamari. Le portefeuille de ministre de la Défense reste la chasse gardée du Président de la République. La parade constitutionnelle est là: «Il est responsable de la Défense nationale», lit-on dans l'article 77 de la Loi fondamentale. Les spéculations autour des nominations au sein du prochain gouvernement n'ont pas dérogé à la «règle». Pas un mot sur le poste de ministre de la Défense. Bien qu'au cours des deux dernières années, plusieurs noms aient circulé dont celui du très médiatique général-major Fodil Cherif ou celui du général-major Mohamed Touati, conseiller militaire du Président Bouteflika. Ce dernier, natif de Kabylie, surnommé El-Mokh, le cerveau, a notamment exercé dans l'administration au niveau du ministère de la Défense. A moins qu'on ait recours à un haut gradé à la retraite et en habit civil. Mais ce ne sont là que des conjectures qui n'arrivent pas à franchir l'hermétisme de l'ombrageuse Grande muette. «Vous avez le même schéma qu'en Egypte, au Soudan et en Turquie», confiait un diplomate en expliquant: «L'absence de ministre de la Défense dans ces pays favorise une double lecture des centres de décisions puisque le ‘‘pouvoir militaire'' reste dilué et quasiment sacralisé.» La nomination d'une personnalité civile à la tête de ce lourd ministère, disent les observateurs, agira certainement sur la normalisation de l'image d'une Armée longtemps accusée de tous les maux et dont les prétendues attributions de pouvoir dépassent de loin ses propres prérogatives. Dans le cas contraire, la mainmise de la présidence sur ce département pourrait donner raison aux analyses de certains cercles politiques qui évoquent «un déficit de confiance entre Bouteflika et les militaires». La tentative d'équilibre effectuée par le général-major Touati entre les deux parties - étant un militaire à la présidence et en même temps un politique à la Défense - ne peut, à terme, favoriser une meilleure prise en charge des processus de professionnalisation de l'ANP pour la simple raison que cet effort requiert une «dépolitisation» du dossier. Le secrétaire général du FLN et chef du prochain gouvernement avait notamment déclaré lors de la campagne électorale que «la défense de l'intégrité du territoire national, mission constitutionnellement confiée à l'ANP, devrait, à l'avenir, être l'affaire de tous les citoyens», tout en appuyant sur «la modernisation de l'institution militaire qui s'impose». Discours nouveau autour d'un dossier longtemps considéré comme tabou. Reste à savoir maintenant si le prochain gouvernement apportera la nouvelle donne.