Cette guerre sanglante à l'origine de deux millions de morts a laissé des stigmates au Sud-Soudan, où des tribus et des milices locales sudistes se sont aussi étrillées. Les Sud-Soudanais vont devoir se forger une identité nationale, ce qui n'est pas une tâche facile dans une région morcelée par la guerre et forte d'une diversité vertigineuse avec une soixantaine de tribus s'exprimant dans autant de langues. Le Nord-Soudan, en grande partie arabe et essentiellement musulman, et le Sud, où le christianisme s'est ajouté aux croyances ancestrales, ont cessé les combats en 2005 après 22 ans de conflit armé. Cette guerre sanglante, à l'origine de deux millions de morts a laissé des stigmates au Sud-Soudan, où des tribus et des milices locales sudistes se sont aussi étrillées. Les rivalités historiques entre les grandes tribus Dinka et Nuer, voire au sein même de ces tribus, ont été exploitées pendant la guerre civile par les Nordistes qui ont armé des milices tribales afin de diviser les Sudistes et ainsi tenter de régner sur la région. «La guerre avec le Nord a créé plusieurs divisions entre nous, au point qu'aujourd'hui encore des petits affrontements pour la mainmise sur des vaches peuvent dégénérer en grande bataille», explique Alfred Agot, un chef tribal à Kuajok, capitale de l'Etat sudiste de Warrap, l'un des plus touchés par la guerre civile Nord-Sud. «Dans le passé, les sages des villages et les chefs tribaux rassemblaient tout le monde et trouvaient une issue pacifique lorsqu'il y avait des disputes», regrette-t-il. Plus de 900 personnes ont perdu la vie dans des combats tribaux, des attaques de rebelles ou dans d'autres types d'incidents sécuritaires qui ont provoqué le déplacement d'environ 215.000 personnes au Sud-Soudan en 2010, selon les estimations de l'ONU. Et pour souder une population meurtrie, divisée, en proie à la rancoeur, les autorités du Sud-Soudan ont renforcé les pouvoirs des leaders locaux par la création de «Conseils pour l'autorité traditionnelle des chefs» dans les dix Etats sudistes. «Le conseil vise à rapprocher les anciens et les jeunes afin de discuter pacifiquement de problèmes», note Jacob Madhol Lang, chef coiffant l'autorité de 800 leaders dans le conseil tribal de Warrap, l'une des régions les plus endeuillées par les conflits tribaux. Plusieurs de ces chefs sont payés par le gouvernement et travaillent de pair avec les autorités dans la résolution de conflits. A Kuajok, un village aux infrastructures naissantes, une immense salle a été inaugurée en décembre pour faciliter les discussions entre les leaders tribaux. «Lorsqu'il y a un différend, nous discutons, puis établissons une peine qui sera acceptée par toutes les parties. La communauté peut ainsi aller de l'avant en paix» et cesser de se quereller, souligne M.Lang. Répartis en une soixantaine de tribus (Dinka, Nuer, Shillouk, Toposa, Azande, etc.), les Sudistes doivent désormais trouver en eux-mêmes les racines de ce qui les unit plutôt que de s'unir par simple opposition au Nord. «Maintenant qu'il n'y a plus de «Nord» auquel les Sudistes peuvent s'opposer collectivement, ce qui unira le Sud est le désir de bâtir une nation forte ensemble, une nation basée sur une identité commune», explique l'intellectuel sudiste, Jok Madut Jok. Dans cette quête de l'esprit de la nation, les chefs de tribus veulent prêcher par l'exemple. «En nous rapprochant, nous, les chefs des différentes tribus, nous pouvons aider les Sudistes à vivre en paix les uns avec les autres», espère Madelena Tito, chef du conseil d'Equateur-Oriental. «Nous avons la chance de bâtir un Sud pacifique, nous ne devons pas la perdre», plaide la seule chef tribale élue à la tête d'un conseil.