Des dispositifs de sécurité renforcés ont été installés à travers toutes les villes. La journée du jeudi a été caractérisée par plusieurs tentatives de fermeture des routes et des affrontements nocturnes entre forces de l'ordre et émeutiers. Depuis le matin déjà, c'est un groupe de jeunes, une centaine, qui a obstrué la RN 5 en y déposant des pneus et des obstacles divers au lieudit le «Carrefour» dans la commune d'Ahnif, 45 kilomètres à l'est du chef-lieu de wilaya. L'intervention des éléments de la gendarmerie mobile a mis un terme à la contestation sans utiliser les gros moyens. La voie et la circulation ont été rétablies à la mi-journée, sans aucun affrontement ou un quelconque dégât. Dans l'après-midi, c'est le passage autoroutier, au lieu de jonction entre la commune d'El Ksar et la déviation vers Ahl Laksar, qui a reçu un groupe de jeunes mécontents. Après un blocage qui aura duré moins d'une heure, créant un embouteillage monstre, les forces antiémeute dépêchées depuis Bouira, assistées par la gendarmerie, ont rouvert le passage à la circulation. Aucun incident grave n'a été signalé. Au chef-lieu de wilaya, à 18 heures 30, un groupe réduit de jeunes, une dizaine, ont déposé des pneus et des fûts sur le boulevard central, au quartier Château d'eau. Moins de 10 minutes après les agents de la sûreté urbaine ont intervenu mettant un terme à ce mouvement qui n'a pas suscité de réaction surtout que la voie est très fréquentée. Ayant eu vent d'un mouvement à Aïn Laloui, nous nous sommes déplacés pour trouver une commune paisible où les gens vaquaient à leurs occupations. Un citoyen nous interpellera pour nous demander de passer ses propos. «Oui, la vie est chère mais ça ne doit pas être une occasion pour détruire des années d'efforts. Les gens doivent faire attention aux manipulations. Il y a des formes civilisées pour revendiquer et contester», nous dira entre autres, notre interlocuteur. La rumeur, qui amplifie la situation, faisait état d'émeutes à Lakhdaria. Sur place nous découvrirons aussi une ville tranquille et même si, à l'unanimité, les gens contestent cette flambée des prix et ses répercussions négatives sur le quotidien, il ressort des discussions que nous avons eues, un haut sens de la responsabilité. «Les parents doivent se mobiliser pour éviter à leurs enfants d'être manipulés», nous affirmera un enseignant. Il était 21 heures quand un groupe de jeunes s'est attaqué au siège de l'Opgi de Bouira. En quelques minutes, la façade en verre de la direction est saccagée. Voulant en découdre avec les éléments de l'unité de lutte antiémeute, les jeunes du quartier 1100 Logements se sont scindés en groupes pour accueillir les policiers par des jets de pierre. Les échanges dureront jusqu'à une heure tardive de la nuit. Les mêmes scènes sont signalées à Draâ El Bordj, du côté des quartiers Harkat, Château d'eau, place des Martyrs... Des échos parviennent de Aïn Bessem où la situation serait identique. Les abribus, les lampadaires, les édifices publics sont attaqués par des jeunes survoltés A Lakhdaria, nous apprendrons que des émeutiers ont bloqué l'autoroute semant un vent de panique parmi les usagers. A 22 heures un épais nuage de fumée avait couvert la ville et les odeurs de gaz lacrymogènes parvenaient dans les maisons. Hier matin, les discussions portaient sur les faits de la veille. Au regard de l'âge des émeutiers qui ont fermé la RN 5 à Ahnif, de ceux qui ont obstrué l'autoroute au niveau d'El Esnam, de Bouira, tous de jeunes adolescents, il apparaît clairement que le motif de la cherté de la vie est loin d'être un souci pour ces manifestants qui, majoritairement, ne travaillent pas. La vague de protestation qui secoue l'ensemble du pays, rapportée par la presse, est attribuée selon certains citoyens à des conflits en haut lieu. «Le peuple est otage une nouvelle fois de problèmes au sein des hautes sphères du pouvoir. Il ne faut pas qu'il tombe une nouvelle fois dans le piège comme en ce 5 octobre 1988», nous affirmera un élu qui a tenu à garder l'anonymat. Un autre citoyen sera plus direct dans son avis. «La crise du FLN peut être à l'origine de cette volonté de pousser le peuple dans la rue. L'histoire revient au galop avec un unique changement: les manipulateurs.» Pour un jeune universitaire et de nombreux citoyens qui condamnent la casse, «les abribus sont là pour le confort de nous tous. En les détruisant, on ne change rien à la donne...» «Les hausses sont l'oeuvre du général «sucre», du général «huile», du général «céréales» comme aime qualifier Fellag les détenteurs du monopole», ajoutera notre universitaire. Cette pointe d'humour n'occulte pas une réalité amère. Le chômage, la mal-vie, le logement, les prix... sont autant de vecteurs qui ont fait exploser la violence, somnolente depuis un certain temps. Hier, des dispositifs de sécurité renforcés ont été installés à travers toutes les villes, autour des mosquées et à la sortie des stades, pour pallier à toute éventualité. Après la prière du vendredi, des affrontements ont repris à Bir Ghbalou et à la Cité 140 dans la ville de Bouira, il y a eu quelques escarmouches.