Le spectre d'une pénurie de lait hante plusieurs wilayas du pays. «Le verre de lait est de 20 DA», dit le serveur à un client. Ce dernier est interloqué. «Je l'ai pris, il y a deux jours ici à 10 DA. Pourquoi cette augmentation?», demande-t-il. Le propriétaire du café intervient. «Cela fait six jours que nous n'avons pas reçu notre quota de lait», révèle-t-il. Le client en est surpris. Le manque de lait en sachet a obligé le propriétaire à se rabattre sur le lait en poudre. «Pour 300 DA l'unité, une boîte de lait nous permet de récupérer 150 DA seulement. Alors, nous sommes obligés de doubler le prix du verre pour limiter nos pertes», regrette-t-il. Si le lait se fait de plus en plus rare à Kouba, cette rareté est perceptible dans plusieurs quartiers d'Alger. Elle a gagné plusieurs wilayas du pays. A Bachdjarrah, il faut se lever tôt pour avoir droit à un sachet de lait. «Le lait me parvient à trois heures du matin. Je le dépose à l'intérieur du magasin. Je referme. Quand je reviens à 6 heures du matin, je trouve une longue file de citoyens qui attendent», témoigne un épicier du lotissement Michel. A ce moment précis, une femme arrive. Elle est essoufflée. «Vous avez du lait en sachet?», demande-t-elle. Réponse négative du commerçant. Il est à peine 9h du matin. La femme se met en colère. «Je cherche du lait depuis 7 heures du matin. Là, je suis obligée de me rabattre sur le lait en boîte. Cela me coûte très cher», vocifère cette mère de famille. Le même topo est observé à Bab Ezzouar. Le lait est distribué selon des quotas limités aux commerçants. Le spectre d'une pénurie plane. A Hussein Dey, l'inquiétude hante les habitants de la rue de Tripoli. «D'habitude, nous recevons des quotas de 30 caisses de 10 sachets chacune. Ces derniers jours, le livreur nous donne seulement cinq caisses», témoigne un vendeur. Sur les lieux, un vieil homme arrive. Sur les rides de son visage est écrite l'histoire de sa vie. Il a plus de 80 ans et prend en charge une famille de 11 membres. «Je ne peux acheter du lait en boîte. Ma bourse est limitée. Alors, ces jours-ci, nous consommons du thé au petit-déjeuner», avoue-t-il. Un autre client jette un véritable pavé dans la mare. «Les commerçants établissent des listes le soir. Le lendemain, ils distribuent du lait selon les noms dont ils disposent», déclare-t-il. La distribution du lait est aussi perturbée au quartier populaire de Bab El Oued. «Les livreurs nous approvisionnent une fois tous les trois jours», déclare le propriétaire d'une boutique d'alimentation générale à proximité du marché des Trois Horloges. Les aiguilles de ces horloges sont à l'heure du spectre d'une pénurie. Cette crainte est perceptible dans plusieurs régions du pays. Dans la wilaya de Béjaïa, la vallée de la Soummam connaît elle aussi, une perturbation dans la distribution du lait en sachet. «Plusieurs communes dont la nôtre (Barbacha) connaissent une rareté de ce produit de large consommation. Les laiteries ne sont pas suffisamment approvisionnées en poudre. Cela provoque un déséquilibre au niveau de la chaîne de distribution», estime un commerçant. Cette situation contraste avec celle qui prévaut dans la wilaya de Tizi Ouzou. Une fois n'est pas coutume, cette wilaya connaît une distribution régulière du lait en sachet. «L'ancien stock n'est pas encore épuisé», explique un observateur au fait de ce dossier dans la région. Cela dit, une chose est sûre: le lait se fait de plus en plus rare. Au point que la crainte du retour de la pénurie vécue il y a quelques semaines est vivement ressentie. Pourtant, les pouvoirs publics ont pris leurs dispositions pour prévenir ce genre de crises. Récemment, le ministère de l'Agriculture et du Dévelop-pement rural a mis en place un dispositif d'encadrement pour la rationalisation de la filière lait. Ce dispositif porte sur le partenariat liant les laiteries à l'Office national interprofessionnel du lait (Onil). Il est mis en place à travers deux contrats. Le premier permet aux laiteries d'acquérir «une quantité de poudre de lait subventionnée», selon un communiqué du ministère. En contrepartie, elle sont tenues de «le mettre à la disposition des citoyens aux normes réglementaires et au prix de 25 DA, dans une aire d'intervention définie à travers un réseau de distribution consolidé», et la laiterie bénéficiera de la prime d'intégration de 4 DA. «Si elle renonce à la poudre de lait importée et n'utilise que le lait cru, elle verra sa prime d'intégration passer à 6 DA le litre de lait intégré», précise la même source. Les résolutions du dispositif sont claires. Seulement, la réalité du terrain est différente. A Oran, capitale de l'Ouest, «le sachet se vend à 30 DA dans les quartiers populaires. C'est le cas au marché de La Bastille au centre-ville et aux quartiers El Hamri et Victor Hugo», témoigne un citoyen. La situation n'est guère meilleure à l'Est. «Dans certains quartiers, comme le 20-Août et Filali, les citoyens doivent se présenter à l'aube devant les commerces pour acheter du lait», affirme une source digne de foi. Cette perturbation est inquiétante. Surtout qu'elle intervient au lendemain des émeutes qui ont ébranlé le pays à cause de la hausse des prix des produits alimentaires de large consommation. Le gouvernement est appelé à surveiller l'évolution de cette situation comme...du lait sur le feu.