Des garages de villas, collées les unes aux autres, souvent inachevées, sont transformés en dépôts de produits. Une véritable bourse de produits agroalimentaires, un lieu de rencontre d'importateurs, de grossistes et de détaillants. Le marché de Semmar, à la périphérie d'Alger, spécialisé dans l'agroalimentaire, fait partie de ces “zones commerciales défiscalisées” au niveau desquelles se brassent des sommes colossales, échappant à tout contrôle et à toute fiscalité. Il est quasiment impossible de quantifier ou de comptabiliser les colossales sommes d'argent qui circulent et s'échangent dans ce giron du commerce des plus informels. Un des plus importants marchés de gros à l'échelle nationale, le fameux quartier de Gué-de-Constantine, connu aussi sous le nom de Semmar, a fini par se tailler une réputation qui dépasse largement nos frontières. Des garages de villas, collées les unes aux autres, souvent inachevées, sont transformés en dépôts de produits. Une véritable bourse de produits agroalimentaires, un lieu de rencontre d'importateurs, de grossistes et de détaillants. “Chaque jour, plusieurs centaines de tonnes de marchandises partent de ce quartier, à destination de toutes les wilayas du pays”, nous-dit-on. Pour un simple visiteur, Semmar renvoie l'image d'un quartier lugubre : des maisons inachevées, des routes non goudronnées et défoncées par les allers et retours des camions. Quand on fait un tour à Semmar, mieux vaut être équipé, mettre des bottes par exemple. Faute d'aménagement, le lieu est envahi par les eaux formant de grands cloaques et des nids-de-poule de 50 cm de profondeur. Une autre forme d'anarchie. Mais, une anarchie qui ne dérange nullement. Des dizaines de camions, de semi-remorques convergent tous les jours vers ce lieu pour s'approvisionner. Semmar ne connaît pas la crise financière. On trouve de tout. Des champignons de France, des chocolats d'Espagne, du lait en poudre, du café vert, des légumes secs, thé, épices et autres produits importés de Chine, de Turquie… et de l'ensemble des continents, mais aussi des produits locaux. Les grossistes de Semmar n'aiment pas la facture. Un simple bon et vous enlevez votre marchandise. “Aucun commerçant ici ne vous établira de facture. Si vous voulez acheter, je vous fais un bon. Sinon…”, nous a affirmé un grossiste. “Avec la facture, on sera obligé d'augmenter les prix”, nous a expliqué un autre grossiste, en nous montrant un semi-remorque en train de charger sa marchandise, “sans facture”. Combien de milliards circulent quotidiennement dans ce labyrinthe et combien sont-ils exactement ces grossistes qui animent ce marché et qui surtout approvisionnent, selon certaines sources, à hauteur de 70% le marché national ? Difficile de répondre à la question. Semmar échappe aux statistiques officielles et reste une zone off-shore qui ne dit pas son nom. Le poids de la fiscalité pèse lourdement sur les seules entreprises qui déclarent leurs activités et qui s'acquittent de leur devoir fiscal. Tandis que de nombreux concurrents de plus en plus puissants, installés durablement dans l'informel, et peu soucieux des lois et règlements, leur grignotent chaque jour des parts de marché. Meziane Rabhi