Les chefs d'Etat de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) devaient se réunir samedi à Bamako pour parler de la crise ivoirienne et décider du sort du gouverneur de leur banque commune, un proche de Laurent Gbagbo soumis à des sanctions européennes. La position de l'Ivoirien Philippe-Henry Dacoury-Tabley, gouverneur depuis deux ans de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Bceao), banque d'émission de l'Uemoa, est difficilement tenable au lendemain des sanctions qui lui ont été infligées par l'Union européenne (UE). Tout comme 85 autres personnes, dont le président sortant Laurent Gbagbo, il lui est désormais interdit de voyager en Europe où ses avoirs ont été gelés. Des sanctions qui visent également Denis N'Gbé, directeur national de la Bceao en Côte d'Ivoire. Il est reproché à M.Dacoury-Tabley d'être passé outre une décision des ministres des Finances de l'Uémoa, prise le 23 décembre à Bissau, de donner au rival de M.Gbagbo, Alassane Ouattara, reconnu président à l'étranger, tous les pouvoirs de gérer les affaires liées à cette institution et à la Bceao. Cela signifie en particulier que M.Ouattara et ceux qu'il a désignés, sont les seuls habilités, au nom de leur pays, à avoir accès aux comptes ivoiriens de la banque centrale ouest-africaines. Or selon une source haut placée proche de l'Uémoa, la Bceao et son gouverneur ont autorisé le décaissement de quelque 60 milliards de francs CFA (91,5 millions d'euros) en faveur du régime Gbagbo depuis le 23 décembre. «Le gouverneur de la Bceao et le directeur national de cette institution en Côte d'Ivoire sont considérés comme des proches de Laurent Gbagbo. Ils l'ont aidé à avoir accès aux comptes ivoiriens de la Banque centrale malgré l'interdiction décidée», selon un diplomate européen. Patrick Achi, porte-parole du camp Ouattaraa, a parlé de 100 milliards de francs CFA (152,4 millions d'euros), récupérés par le régime Gbagbo entre le 24 décembre et le 17 janvier sur le compte de la Banque centrale. Une situation qu'entend dénoncer Guillaume Soro, Premier ministre d'Alassane Ouattara, qui, arrivé vendredi soir à Bamako, doit assister au sommet de l'Uemoa qui regroupe huit pays (Côte d'Ivoire, Togo, Bénin, Mali, Niger, Sénégal, Guinée-Bissau, Burkina Faso). Couper les vivres au régime Gbagbo est considéré par la communauté internationale comme une stratégie essentielle pour le pousser à céder pacifiquement le pouvoir à M.Ouattara et éviter ainsi le recours à une intervention militaire ouest-africaine pour le déloger, option envisagée. Le Premier ministre kenyan, Raila Odinga, émissaire de l'Union africaine (UA), qui a échoué lors de deux missions récentes à Abidjan à convaincre M.Gbagbo de partir, a plaidé vendredi pour un isolement diplomatique et des sanctions économiques et financières accrues pour qu'il le fasse. «Si nous échouons à trouver un accord négocié qui respecte le choix des Ivoiriens, nous pouvons alors nous résoudre à d'autres mesures telles que l'isolement diplomatique et des sanctions économiques et commerciales», a-t-il dit, estimant que «l'usage de la force» devait être «le dernier recours». La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), a menacé de renverser militairement Laurent Gbagbo qui refuse de céder le pouvoir depuis qu'il a été proclamé vainqueur de la présidentielle du 28 novembre par le Conseil constitutionnel de son pays qui a invalidé les résultats de la Commission électorale proclamant M.Ouattara élu. Une telle opération risquerait de provoquer un bain de sang dans un pays où près de 250 personnes sont mortes, de mi-décembre à mi-janvier, dans des violences politiques selon l'ONU qui a dénoncé le camp Gbagbo comme responsable de la plupart de ces décès.