Deux mois après avoir pris ses fonctions de chef de la diplomatie française, Michèle Alliot-Marie, qui se targue d'une très longue expérience ministérielle, a déjà subi plusieurs revers à Paris ou à l'étranger mais entend maintenir le cap coûte que coûte. Le plus important revers est né de sa proposition maladroite devant l'Assemblée nationale française de former les forces de sécurité en Tunisie, pays alors en pleine révolte contre le pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali, qui lui a valu des appels à démissionner de l'opposition. La ministre a encaissé, avant de recevoir un soutien public tardif du Premier ministre François Fillon et de partir pour sa première tournée au Proche-Orient. Affaiblie, elle a affronté en Israël son redoutable homologue Avigdor Lieberman, un ultranationaliste aux positions souvent polémiques. «Il a de la détermination dans ses affirmations, il a vu la mienne», a-t-elle confié à quelques journalistes, reconnaissant que la rencontre avait été dure. Déterminée, la ministre l'a été en voulant aussi se rendre à Ghaza, sous contrôle du mouvement islamiste Hamas. Il s'agissait de la première visite dans ce territoire depuis cinq ans d'un chef de la diplomatie française. «La France doit pouvoir aller partout», a souligné cette ancienne ministre de l'Intérieur, de la Défense et de la Justice, en rupture dans son approche de la diplomatie avec son prédécesseur, Bernard Kouchner, personnage haut en couleurs mais qui n'a pas laissé de bons souvenirs dans plusieurs pays. A Ghaza, Michèle Alliot-Marie a subi une visite mouvementée. Conspuée par quelques dizaines de manifestants lui reprochant des propos qui lui ont été attribués par erreur, elle a fait front avec calme, ne se départissant pas d'un sourire assuré même lorsqu'elle était visée par des lancers de chaussures ou d'oeufs. «J'en ai vu d'autres, ce n'était rien», a-t-elle commenté, en rappelant ses voyages comme ministre de la Défense dans des pays en conflit. «Il faut savoir porter la parole» et «cela devait gêner que j'inaugure un service médical dans l'hôpital de la ville et que je rencontre des représentants de la société civile», a-t-elle ajouté. La ministre a cependant dû annuler une inspection du terrain sur lequel doit être construit un centre culturel français. «Trop à découvert», a expliqué un membre de la sécurité française. «Si quelqu'un veut me faire peur, il faudra qu'il se lève de bonne heure», a souligné, bravache, Mme Alliot-Marie, en promettant qu'elle reviendrait à Ghaza. Paradoxalement, c'est un membre de sa délégation qui s'est inscrit en faux contre ce choix de visite. Après avoir reçu un coup lors d'une bousculade de cameramen et photographes, Valérie Hoffenberg, représentante spéciale du chef de l'Etat Nicolas Sarkozy pour le développement économique des territoires palestiniens, n'a pas mâché ses mots: «Quand on reçoit un tel accueil, on se demande si on a bien fait de venir». Michèle Alliot-Marie a enchaîné avec l'Egypte où l'accueil fut aussi frais. Ses entretiens ont été largement dominés par la question des minorités religieuses, Le Caire n'ayant guère apprécié que Paris lui fasse la leçon après l'attentat contre une église d'Alexandrie lors du Nouvel an (21 morts). Là aussi, les explications furent ardues, même si publiquement la ministre comme son homologue Ahmed Aboul Gheit ont fait assaut d'amabilités.