Les manifestations attendues au Caire sont les premières du genre en Egypte depuis la chute de Ben Ali. Plusieurs mouvements d'opposition appellent les Egyptiens, en particulier les jeunes, à manifester ce mardi, espérant que l'écho du soulèvement tunisien favorisera la mobilisation pour des réformes économiques et un changement politique en Egypte. Ces manifestations attendues au Caire et en province sont les premières du genre en Egypte depuis la chute du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier, à la suite d'une révolte populaire. Les organisateurs appellent à défiler avec pour slogan «le 25 janvier, je reprends en mains les affaires de mon pays», qui rappelle implicitement ceux des manifestants tunisiens. Cette initiative coïncide avec la très officielle «Journée de la police», un jour férié à l'occasion duquel les dirigeants multiplient depuis dimanche les éloges aux forces de l'ordre et les engagements à maintenir la stabilité. L'idée a été lancée par le «Mouvement du 6 avril», un groupe de militants prodémocratie. Les organisateurs comptent sur l'effet d'entraînement des événements de Tunisie, très commentés notamment par les jeunes Egyptiens ayant accès aux réseaux sociaux sur internet. L'opposant Mohamed El Baradei, ancien haut fonctionnaire international, a exprimé sur sa page Facebook son soutien à «l'appel à manifester contre la répression» et a dénoncé «les menaces d'utiliser la force venant d'un régime qui tremble devant son peuple». «Si les Tunisiens l'ont fait, les Egyptiens devraient y arriver», a également déclaré au magazine allemand Der Spiegel l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea), interrogé sur une éventuelle contagion à l'Egypte de la «révolution du jasmin» tunisienne. Son comité de soutien a, dans un communiqué, affirmé que plusieurs de ses partisans avaient été convoqués par les services de sécurité avant ces manifestations. Certains ou des membres de leurs familles auraient fait l'objet d'intimidations, selon un communiqué. Les manifestations ont reçu l'appui d'autres formations politiques, mais sur un mode relativement prudent. Les Frères musulmans, à la forte capacité de mobilisation, et le Wafd, premier parti d'opposition laïque, n'ont pas lancé d'appels formels à défiler, mais ont indiqué que leurs jeunes militants pourraient se joindre aux cortèges. L'Egypte connaît des difficultés économiques et un mécontentement social qui présentent de nombreuses similitudes avec la Tunisie du président Ben Ali, réfugié en Arabie saoudite après 23 ans de règne. Plusieurs immolations par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Egypte, rappelant celle d'un jeune Tunisien en décembre qui avait déclenché la révolte. Sur le plan politique, le régime est dominé depuis près de trente ans par le président Hosni Moubarak, 82 ans, à la santé incertaine. Sa succession est au centre d'une sourde rivalité entre son fils Gamal 47 ans, proche des milieux d'affaires, et la «vieille garde» du pouvoir liée au puissant appareil militaro-sécuritaire. Le pouvoir a démenti ces derniers jours tout risque de contagion entre la Tunisie et l'Egypte, tout en laissant entendre que, pour calmer l'inquiétude sociale, il ne remettrait pas en cause les subventions aux produits de base. Plusieurs analystes égyptiens ont aussi mis en exergue ces derniers jours les différences entre les deux pays, notamment le fait que le régime égyptien avait su ménager des marges d'expression pour les médias et l'opposition. L'armée égyptienne, dont sont issus tous les présidents depuis 1952, est également jugée davantage loyale envers le pouvoir que l'armée tunisienne ne l'était à l'égard du président déchu.