«Cheikh Mohand a dit» est le titre du dernier livre écrit par Mouloud Mammeri. L'ouvrage a été publié à titre posthume et à compte d'auteur. Comme son titre l'indique, il est question dans ce livre écrit en français et en tamazight, de l'apport de Cheikh Mohand ou Lhocine à la culture et à la société kabyles. Le livre offre une lecture des plus approfondies, voire érudites de l'oeuvre de Si Mohand. Ce dernier n'a jamais voyagé, pourtant sa pensée est d'une universalité déconcertante. Comment donc Cheikh Mohand a-t-il pu avoir un esprit aussi ouvert, lui qui n'a jamais quitté la Kabylie? Mouloud Mammeri répond dans son livre que «dans ce cadre restreint, chaque colline porte un village et chaque village est un monde. Un sol bourré de valeurs, de traditions, de saints lieux, de saints hommes, de misère grandiloquente, d'honneur ombrageux, de folles légendes et de dures réalités. Quand on s'est frotté au plus près, au plus profond de la vie des hommes et des femmes qui vivent et meurent par deçà cet horizon vite atteint (c'était le cas du Cheikh), on sait tout de la commune condition des hommes. Parler d'eux (et à eux), c'est traiter de l'humanité tout entière. L'exigüité du terrain, les insuffisances de la langue, les obstacles de l'histoire ne font rien à l'affaire: le cheikh a l'envergure humaine». Parler de Cheikh Mohand est d'autant plus important qu'il s'agit à la fois d'un penseur mais d'un penseur illettré. Chose qui est loin d'être courante. Ce dernier est un homme qui a transmis le savoir par la voix orale. Il s'inscrit donc en droite logique avec la culture kabyle très essentiellement d'essence orale. Mais plus d'un siècle après la mort de Cheikh Mohand, ses idées sont toujours vivaces, ses vers sont cités par les locuteurs kabyles en guise d'illustration de leurs discussions et Cheikh Mohand a été au centre de plusieurs livres réalisés par plusieurs auteurs. En plus de Mouloud Mammeri, d'autres auteurs se sont consacrés à ce poète immortel comme Mohand ou Ramdane Larab, Abdennour Abdesselam, Hamid Mezaoui, etc. Mais l'ouvrage de Mouloud Mammeri reste la référence en la matière. Aujourd'hui, dans le cadre du colloque de Tizi Ouzou, l'universitaire Brahim Mohamed Salhi animera une conférence où il fera le lien entre Cheikh Mohand et la Rahmania. Le Cheikh a adhéré à la Rahmania vers le milieu du XIXe siècle. Ce sujet est abordé aussi par Mouloud Mammeri dans son livre. Des détails précieux avec les noms des personnes émaillent l'analyse de Mouloud Mammeri. «De la somme des cas que le Cheikh a eu à traiter, on peut tirer non seulement une image complète de la société kabyle du temps, mais un véritable traité de casuistique», résume en quelque lignes Mammeri l'apport de Cheikh Mohand à la communauté.