Entre deux colloques, les criminels frappent. Cette fois, ils opèrent près du littoral. Les huit corps, tous membres de la famille Amamra, ont été inhumés, hier, au cimetière de Boukhandar à la lisière de Sidi Akkacha, village situé à 7 km de Ténès, faisant partie de la wilaya de Chlef. Quatre corps sont ceux d'enfants de moins de dix ans, surpris en train de regarder la télévision, les autres ceux de leurs parents. L'assassinat a été perpétré, mardi, vers 20h 40. Selon les témoignages d'une vieille femme, miraculée de l'attentat, quatre éléments armés ont fait irruption dans la maison, à la faveur de la nuit et du son de la télévision qui ne permettait pas d'entendre ce qui se passait dehors, dans ce hameau isolé qu'est Boukaât Sidi Bouaïssa, situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Chlef, et entouré d'une forêt luxuriante. Aussitôt entrés dans la vaste mansarde, les quatre éléments armés ont attaqué les deux chambres contiguës qui abritaient les membres de la famille Amamra. Surpris par l'incursion, les hommes n'ont pas eu le temps de faire usage de leurs armes à feu (deux fusils de chasse, qui ont été pris par le groupe). A l'aide d'armes à feu et d'armes blanches, le groupe massacrera les huit membres des Amamra en cinq minutes et se repliera. C'est la femme, unique survivante du carnage, qui alerte les premiers voisins, lesquels se trouvent en contrebas de Sidi Bouaïssa, dans le village de Sidi Akkacha. C'est pendant la même nuit que la Protection civile arrive, accompagnée des services de sécurité combinés, et évacue les huit cadavres vers la morgue de l'hôpital de Ténès. Le nouvel assassinat de Sidi Akkacha, hameau situé à 7 km de Ténès, doit faire plus peur que les précédents carnages perpétrés dans la wilaya de Chlef, et qui ont fait au moins 120 morts. Car il a cela de particulier : la proximité du littoral. Si les précédents assassinats (Sendjas, 23 personnes tuées, Ouled Abdallah (21), El-Hadjadj (13)) ont eu lieu au sud de Chlef ou dans le pourtour des monts de l'Ouarsenis, cette fois-ci, l'incursion a été opérée près du littoral de Ténès, c'est-à-dire que les terroristes - si les auteurs des derniers carnages de Chlef sont les mêmes - adoptent la «stratégie du mouvement perpétuel», permettant ainsi à leurs groupes d'élargir leur champ d'action et de faire diversion et peut-être de créer des mouvements de début de psychose en multipliant les zones d'incursion. Cet assassinat place Chlef en tête des wilayas les plus «exposées» aux actes liés au terrorisme, avec au moins 120 morts depuis le début de l'année, devançant Tiaret, qui comptabilise une centaine de tués en moins de six mois. Selon les dernières informations données officiellement par l'autorité militaire, cinq groupes armés et près de 700 éléments restent actifs dans le pays. Il s'agit du GIA, mené par Rachid Oukali, qui privilégie le «triangle de la mort»: Blida-Médéa-Aïn Defla, avec des incursions dans les wilayas de l'Ouest. Du Gspc de Hassan Hattab, le plus important des groupes armés encore opérationnels, avec quelque 360 hommes, disséminés dans les fiefs de la Kabylie (Takhoukht, Mizrana, Sidi Ali Bounab, Boumehni, etc.) et les principales villes de l'Est (Tébessa, Batna, Jijel, Skikda, etc.). S'ajoute à ces deux organisations le Ghds (Houmet Eddawa Essalafia) de Mohamed Benslim, dit Salim El-Abassi, avec ses 70 hommes et qui reste hégémonique dans le pourtour des monts de l'Ouancheris vers l'extrême Ouest (Tlemcen, Oran, Maghnia), le Ghds, ex-bataillon d'El-Ahouel est certainement le plus présent à Chlef, Relizane et Aïn Defla. Le Gspd, dirigé par un inconnu, compte sur 60 hommes au plus pour mener ses incursions à partir de Derrag vers Djendel, Tissemsilt, l'est de Aïn Defla, et les contreforts ouest de Blida. Depuis la mort présumée de son chef emblématique Abdelkader Saouane, dit Abou Thoumama, le groupe s'est atomisé et les sous-groupes entre six à dix hommes, sont quasi autonomes. Enfin, le dernier venu des groupes armés, le GSC (Groupe salafiste combattant) peut compter sur 50 à 60 hommes armés pour mener la guerre dans la périphérie de Relizane, Saïda, Mécheria, etc. Avec encore 700 hommes armés et cinq organisations regroupant les «irréductibles», le chemin vers la paix peut sembler immensément long.