Déjà sous les feux de la critiques par ses déclarations controversées sur la Tunisie, Michèle Alliot-Marie est accusée d'avoir bénéficié des largesses d'un homme d'affaires lié au clan Ben Ali. La ministre française des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie a récusé hier les «mensonges» du Canard Enchaîné, qui affirme qu'elle a voyagé dans un avion appartenant à un proche du clan Ben Ali, et assuré qu'elle ne démissionnerait pas sur de «fausses» accusations. «Pour des choses qui sont fausses, pour des assertions, non, pas du tout», a répondu Mme Alliot-Marie à la presse qui lui demandait, à la sortie du Conseil des ministres, si elle envisageait de démissionner comme le réclame l'opposition de gauche. «Je crois qu'il y a des vrais sujets, je réponds uniquement sur ces choses puisque je n'aime pas qu'on dise des mensonges en ce qui me concerne», a poursuivi la chef de la diplomatie française. Michèle Alliot-Marie, déjà critiquée pour des déclarations controversées sur la Tunisie, est à nouveau plongée dans l'embarras sous l'accusation d'avoir profité des largesses d'un homme d'affaires lié au clan Ben Ali. Son offre d'une coopération policière au régime de l'ex-président, alors que les manifestations se multipliaient en Tunisie, lui avait valu des appels à la démission. La ministre, 64 ans et membre du gouvernement depuis 2002, les avait balayés, affirmant avoir «le cuir épais» face aux polémiques. Hier, l'hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné a révélé que Michèle Alliot-Marie avait eu recours entre Noël et le Jour de l'An au jet privé d'un Tunisien, Aziz Miled, entre Tunis et la ville de Tabarka, pour y passer des vacances en famille dans un hôtel appartenant également à ce dernier. La ministre des Affaires étrangères était accompagnée de ses parents et de son compagnon, Patrick Ollier, lui aussi ministre et chargé du portefeuille des Relations avec le Parlement. Ce voyage est intervenu alors que la révolte tunisienne avait commencé quelque deux semaines auparavant. Ami de longue date du couple Alliot-Marie-Ollier, Aziz Miled est présenté par Le Canard Enchaîné comme un proche de Belhassen Trabelsi, beau-frère de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali. Cet homme d'affaires fait partie d'une liste de personnes dont la Suisse a gelé les avoirs le 19 janvier, du fait de son association avec Belhassen Trabelsi. Dès mardi, le cabinet de la ministre avait démenti la proximité d'Aziz Miled avec la famille Trabelsi qui est celle de la femme de l'ex-président tunisien. Hier, Patrick Ollier est monté en première ligne pour défendre sa compagne. Aziz Miled est «une victime» du clan Ben Ali, a expliqué M.Ollier à la radio RTL. «Certainement, il connaissait le président Ben Ali, mais il a construit sa fortune de ses propres mains» et a été «spolié» par les Trabelsi qui lui ont «pris 20% de sa compagnie» aérienne. Michèle Alliot-Marie avait récemment admis des vacances en Tunisie. «Comme des millions de Français, je vais en Tunisie. Voilà tout», avait-elle expliqué. «Quand on est dans un gouvernement, on n'a pas à utiliser des moyens privés (...) ou qui en l'occurrence appartiennent à une famille qui est dans la gestion d'un pays dans les conditions que l'on sait», a rétorqué hier également, sur RTL, la patronne du parti socialiste (opposition), Martine Aubry. Avoir «des liens très personnels avec la Tunisie» rend «aveugle», avait jugé récemment Ségolène Royal, ex-candidate socialiste à la présidentielle de 2007. Ministre depuis plus de huit ans en France (Intérieur, Défense et Justice), Michèle Alliot-Marie connaît des débuts difficiles au Quai d'Orsay, qu'elle dirige depuis le 14 novembre. Après avoir dû reconnaître que la diplomatie française avait sous-estimé l'ampleur de la protestation en Tunisie, elle est aujourd'hui sommée de s'expliquer sur des livraisons d'équipements de maintien de l'ordre au régime Ben Ali. Le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, a réclamé hier que la ministre s'explique sur des «livraisons de matériel de police, avec des grenades lacrymogènes, y compris quand il y avait déjà des morts en Tunisie». «Elle ne nous a pas dit la vérité», a-t-il asséné sur RTL. Le 25 janvier, la ministre avait assuré que la coopération policière de la France avec la Tunisie s'effectuait «essentiellement dans le cadre d'Interpol».