M'hand Barkouk est professeur de sciences politiques et de l'information (Université d'Alger) et à l'Institut de la diplomatie et des relations internationales (ministère algérien des Affaires étrangères). Il est également directeur du centre d'études stratégiques du quotidien Echaab, directeur du Laboratoire des études politiques (Université d'Alger) et il est membre élu du Conseil consultatif international, World Congress for Middle Eastern Studies. L'Expression: Le New York Times a annoncé, hier, que Washington a négocié avec des responsables égyptiens des modalités d´un départ immédiat de Hosni Moubarak et du transfert du pouvoir à un gouvernement de transition dirigé par Omar Souleimane. Qu'en pensez-vous? M'hand Barkouk: Washington a, en effet, négocié le départ de Hosni Moubarak pour remettre les rênes du pouvoir égyptien à Omar Souleimane, ex-directeur des services des renseignements égyptiens, actuel coordinateur de la sécurité au Moyen-Orient et premier partenaire de Washington sur les questions de sécurités liées à Israël et fraîchement désigné vice-président de Hosni Moubarak. Ce choix s'est confirmé par deux raisons. D'abord, il est à signaler qu'à la veille du soulèvement du peuple égyptien, Omar Souleimane se trouvait à Washington. Ce dernier a été rappelé, en urgence, par Hosni Moubarak, en personne. La désignation de Omar Souleimane en qualité du vice-président de Hosni Moubarak, est signe, plus qu'évident et révélateur de la volonté des USA et de Moubarak oeuvrant, ensemble, à trouver un terrain d'entente pour la préparation de l'après-régime Moubarak. La nouvelle concernant le transfert se confirme notamment par le rôle actuel du vice-président assurant la totalité des communications USA-Egypte qui se font entre ce dernier et le vice-président américain, mais aussi avec la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton. Car, la succession au pouvoir en Egypte n'est pas seulement importante pour les Egyptiens, comme elle est surtout majeure pour l'Occident et Israël. Et pour cause: toutes les transformations politiques en Egypte, impliquent des conséquences qui pourraient nuire profondément aux engagements internationaux et régionaux de l'Egypte à l'égard de l'Etat Hébreu. Sachant que des accords sont signés entre les deux parties. Une fausse manoeuvre constitue de fait une ligne rouge pour l'armée égyptienne garant d'abord de la stabilité du système et de son rôle au plan régional. Car, l'armée égyptienne consacre le pivot stratégique de la politique géostratégique des Américains au Moyen-Orient. Est-ce à dire que les Américains ont, bel et bien, lâché Hosni Moubarak en dépit de son rôle et de son poids au plan régional? Moubarak a 82 ans et est gravement malade. Le refus du peuple de laisser Moubarak instaurer un pouvoir dynastique, en léguant le poste du président à son fils, la fraude massive enregistrée lors des précédentes élections législatives ont lourdement discrédité Moubarak. Tout cela constitue des signes que le Raïs représente désormais le cheval perdant d'avance pour les USA. Son règne s'approche, de en jour, de sa fin. En plus de son départ, la population, qui s'est soulevée, vise principalement la fin du système, en place depuis 30 ans. Résultat: le maintien de Moubarak au pouvoir peut créer à cet effet, une dynamique de déstabilisation du pays et affecter lourdement son rôle régional. Voire... menacer les intérêts occidentaux en Egypte comme les pays du Moyen-Orient. Dans ce cas, la politique américaine dans la gestion de la crise égyptienne soutient un processus de continuité du régime égyptien, en lâchant, visiblement, Moubarak et le remplaçant par l'un de ses partenaires, à savoir Omar Souleimane. Ce dernier, pour rappel, a été propulsé sur la scène régionale comme un véritable interlocuteur de la région, en 2006, lors de l'agression d'Israël contre le Liban, dans le cadre de la coopération sécuritaire, présidée par Condoleeza Rice. A cette occasion, les Etats-Unis lui ont offert la mission de coordonner les pourparlers entre les interlocuteurs arabes et Israël. Tout cela sous-entend que Omar Souleimane a bien joué son rôle et assuré le parrainage du projet de négociation entre Israéliens et Palestiniens sans pour autant chambouler les scénarios de résolution du conflit entre Palestiniens et Israéliens. Aussi, à l'intérieur du pays, l'ex-directeur des renseignements égyptiens a su maintenir la tradition égyptienne conduisant, depuis 1952, un militaire à la tête de l'Etat, tout en introduisant un certain dialogue avec les partis politiques et les autres mouvances appelant au changement du système sans pour autant leur ouvrir des véritables voies démocratiques ou toucher au rôle régional assuré par l'Egypte dans les différents conflits qui y surviennent. La Jordanie et le Yémen ont été touchés par des révoltes. Y a -t-il une contagion avec le soulèvement du peuple égyptien? A l'évidence, il n'y a pas un fait de contagion. En Jordanie, il y a un mouvement de protestation contre les mauvaises conditions sociales et économiques que vivent les citoyens, depuis la révolution du «Pain», en 1989. Les citoyens demandent l'instauration d'un système parlementaire et de justice distributrice. Les protestataires n'ont pas remis en cause le caractère monarchique de leur Etat, mais ils ont pointé du doigt leur gouvernement, jugé responsable de l'échec dans sa gestion des affaires du pays et incapable de trouver des solutions à la crise sociale et économique du pays. Cependant, au Yémen, composé d'un Etat archaïque, tribal, despotique, avec en prime un Sud de séparation, un Nord convoité par des «les chiites». Dans ce pays, les manifestants ont fait savoir un seul message, en l'occurrence le départ de leur président, responsable des différents maux qui gangrènent le Yémen, où la pauvreté touche 35% de la population avec un taux de chômage des plus élevés, s'agissant des points communs existant entre ces deux pays avec le soulèvement égyptien.