Aucun parti n'a été en mesure de fédérer les éléments du front social. Après une hibernation qui n'a que trop duré, la scène politique nationale commence à présenter des signes de frémissement. Naissance d'alliances politiques et appels à des marches se succèdent alors que des émeutes ont éclaté dans plusieurs régions du pays. La conjoncture régionale et les mesures prises lors du dernier Conseil des ministres sont autant de facteurs susceptibles d'entretenir ce frémissement. Cette situation n'annonce-t-elle pas des signaux qui conduiraient à un remodelage de la carte politique nationale? Autrement dit, en l'absence d'une force politique plus ou moins crédible et légitime, l'heure de la redistribution des rôles a-t-elle sonné avec la naissance de ces nouvelles coalitions? Les initiatives politiques se multiplient ces derniers jours et s'inscrivent toutes dans cette perspective. Après la naissance de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, certaines formations politiques, syndicats et hommes politiques ont annoncé la création, samedi dernier, d'une Alliance nationale pour le changement (ANC). Les représentants du mouvement El Islah, du Parti du renouveau algérien, du Mouvement de la jeunesse pour le développement (MJD), du mouvement El Infitah, ainsi que de l'Association des ouléma algériens, les organisations syndicales autonomes et des personnalités politiques, à l'instar de l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, en font partie. Ils ont pris part à la rencontre lors de laquelle la création de l'alliance a été annoncée. La naissance de ces coalitions marque, selon leurs initiateurs, le début d'une reconfiguration du paysage politique. Pour M.Benbitour, la scène politique nationale connaîtra un positionnement à condition d'une plus grande ouverture du champ politique et de l'espace démocratique. «Si le processus démocratique réussit avec plus d'ouverture du champ politique, il y aura certainement un autre positionnement» et une réorganisation de la carte politique nationale, a-t-il soutenu, dans une déclaration à L'Expression. Et de préciser qu'il s'agit de coalitions conjoncturelles. «Lorsqu'on apporte notre soutien à une initiative politique, cela ne témoigne pas de notre sympathie à l'idéologie des initiateurs. Il s'agit d'une alliance stratégique. Je soutiens toutes les initiatives qui vont dans le même sens que l'ANC», dira encore le même interlocuteur. Il signifie par là qu'il partage l'objectif ultime du changement. Cet avis est partagé même par les partis au sein de l'Alliance présidentielle. Pour Abderrezak Mokri, vice-président du MSP, la situation actuelle mène droit vers la reconfiguration de la carte politique nationale. «Sans des réformes politiques profondes, l'alternance au pouvoir, l'ouverture du champ politique et la liberté d'expression, c'est tout à fait normal que cette situation engendre un chamboulement dans le paysage politique», a-t-il dit. Un avis que le député Tarek Mira, co-porte-parole provisoire du Manifeste des droits et liberté, ne partage pas. Pour ce dernier, cette situation «ne mèrera pas systématiquement vers la refonte du champ politique national». Et de s'expliquer: «Il s'agit d'un éveil des consciences de la population et non pas des acteurs politiques. Certaines parties ou groupes croient que le grand soir est arrivé et ils commencent à se mettre au devant de la scène». Pour lui, ce serait une manière de se refaire une santé politique et de jouer à la récupération. Les derniers événements survenus en Tunisie et en Egypte ont-ils favorisé l'émergence de cette nouvelle donne politique? Pour Ahmed Benbitour, le syndrome tunisien et égyptien existe bel et bien en Algérie. «Tous les facteurs qui ont contribué au déclenchement de la révolution en Tunisie ou en Egypte existent chez nous. C'est tout à fait normal que la conjoncture régionale ait favorisé l'émergence de ces alliances», a analysé l'ancien chef de gouvernement. M.Benbitour illustre son analyse par des références à la Révolution algérienne qui a contribué, a-t-il soutenu, à la libération de tous les pays africains colonisés. Au MSP, on estime que le phénomène tunisien a contaminé tous les pays arabes et non seulement l'Algérie. «Les événements en Tunisie ont contribué au réveil du Monde arabe. C'est ce qui a poussé un bon nombre de gouvernements de cette région à faire des concessions, jadis inimaginables», a précisé Mokri. A travers une telle alliance, à El Islah, (parti islamiste), on estime que la classe politique veut être la locomotive du changement et devancer la révolte populaire. «Notre démarche consiste à faire de l'action politique une locomotive du changement. Nous voulons devancer l'action de la rue, car une fois déclenchée, on n'aura plus rien à récupérer», a indiqué, de son côté, M.Filali, député d'El-Islah. L'ambition de ces alliances est de constituer une puissance capable de fédérer les revendications populaires qu'aucune autre force politique n'a été capable de réaliser.