Voilà une crispation du front social qui s'installe lentement dans les moeurs. Marches, rassemblements, grèves, immolations. C'est devenu presque le quotidien des citoyens, ce qui ne fait qu'aggraver l'exacerbation du front social en ébullition. En effet, il ne se passe pas un jour sans qu'une route ne soit coupée ou qu'une APC ne soit fermée. Les faits ne sont pas nouveaux. Mais leur accumulation en un laps de temps court alimente les craintes d'un pourrissement qui ne voit pas sa fin. Les citoyens redécouvrent le besoin de crier haut et fort leurs doléances multiples. Eau, routes, logements, salaires, éducation sont parmi les sujets de revendications qui reviennent. Mais la quête démocratique n'est jamais loin, Partis, syndicats et associations montent au créneau. Ils veulent tous un changement. Le rendez-vous du 12 février prochain a focalisé toutes les attentions. C'est devenu le creuset de plusieurs revendications même si certains ont vite annoncé leur indifférence vis-à-vis de l'événement. Sans pour autant renoncer à toute forme de protestation. De toute façon, les citoyens n'attendent pas le signal d'une quelconque organisation pour battre le pavé. Même pas l'interdiction signifiée par la wilaya d'Alger concernant l'organisation des marches à Alger. Cette ville n'est pas la seule à être victime de fièvre sociale. Hier, des centaines de chômeurs de la commune de Sidi Amar, dans la wilaya de Annaba, ont repris possession de la voie publique en début d'après-midi pour demander de l'emploi. Oran, Tizi Ouzou, Béjaïa, mais aussi Skikda et Boumerdès sont concernées par les mouvements de mécontentement. Lundi dernier, ce sont des affrontements qui ont eu lieu à Skikda. Les routes étaient coupées à Béjaïa et Tizi Ouzou. La grève d'hier initiée par les paramédicaux est un autre signe de la désespérance qui règne dans le pays. Et pourtant, depuis quelques jours, le Conseil des ministres a promis plusieurs mesures d'apaisement. Apparemment, elles n'ont pas eu l'effet escompté qui est celui de calmer le front social. Aux yeux des Algériens, les promesses ne remplissent jamais des ventres creux comme elles ne sont pas capables d'étancher la soif d'une ouverture des médias lourds. D'ailleurs, le gouvernement s'est muré derrière un langage bureaucratique, officiel, insipide, sans aucune emprise sur le vaste auditoire constitué de millions d'Algériens. Seules quelques sorties médiatiques timides viennent tenter d'expliquer le message du gouvernement. Mustapha Benbada, ministre du Commerce, est mis en avant vu la conjoncture. Mais point de campagne de communication pour prêcher la bonne garde auprès des citoyens. Cette réserve est là pour confirmer le fossé grandissant qui sépare les gouvernants des gouvernés. Mais reste-t-il encore un P/APC, un chef de daïra, un wali ou un ministre qui encore, prend langue avec le peuple? Interdictions et bastonnades sont les moyens de communication préférés. D'ailleurs, même le gouvernement égrène ses réalisations, par exemple, en matière de logements, mais les récepteurs restent sourds à ce discours. En fait, les citoyens qui sortent dans la rue veulent plus, voire autre chose. Des organisations, de diverse nature, y ont vu une opportunité pour réclamer, qui une nouvelle Constitution, qui des élections anticipées. Fait nouveau, même les gouvernants n'hésitent plus à faire leur autocritique et aux partenaires d'un même gouvernement de se tirer dans les pattes. C'est le président de l'APN qui sort de sa réserve pour réclamer plus de réalisations. Abdelaziz Ziari, le patron FLN de l'APN, croit que le gouvernement peut faire plus et mieux. Ils sont nombreux à être de son avis. Les voix fusent de partout pour demander plus d'ouverture. Et pas seulement des réformes qui ont jeté une armée de chômeurs dans la rue, sans oublier la flambée des prix que cela a provoqué. Plusieurs biens et services ne sont plus accessibles aux citoyens.