Pour le département du commerce, le patron de Cevital cherche à profiter de la crise pour consolider ses positions. Sans le nommer explicitement, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a chargé le patron du groupe Cevital, Isaâd Rebrab, l'accusant d'être derrière les émeutes qui ont marqué le pays il y a quelques semaines. «Ce qui est sûr, c'est que cette soudaine hausse des prix a été fomentée par certains opérateurs qui se sont comportés d'une manière anarchique en imposant des conditions aux distributeurs, sans préavis», a déclaré le ministre du Commerce dans un entretien qu'il a accordé hier, au confrère arabophone Enahar Al Djadid. Cette accusation ne manquera pas de soulever une levée de boucliers maintenant que le ministre du Commerce nomme les «commanditaires» des dernières émeutes du 9 janvier dernier ayant engendré la mort de cinq personnes et des centaines de blessés sans compter la destruction de biens publics et privés. Mustapha Benbada, tout en précisant que ces manifestations étaient l'expression de l'inquiétude et de l'angoisse des citoyens, a réaffirmé la détermination de son département à lutter contre tout type de monopole. Ce n'est pas la première fois que des coups de nomation ont été lancés à l'intention de ce groupe. Ainsi, le 12 janvier dernier, le département de M. Benbada avait rappelé à l'ordre ce groupe agroalimentaire, le sommant de se conformer à l'accord conclu avec les opérateurs économiques (producteurs et importateurs) du sucre et de l'huile pour faire baisser les prix de ces deux produits. Joignant l'acte à la parole, des équipes de contrôle dépêchées par la direction du contrôle et de la répression des fraudes pour vérifier l'application de cet accord «ont constaté que les prix appliqués par Cevital sur le sucre et l'huile ne sont pas conformes aux termes de l'accord», avait alors précisé le ministère du Commerce. A cet effet, une mise en demeure a été adressée à ce groupe. Commentant la même situation, le parti de Louisa Hanoune avait, durant la même période, lui aussi, attiré l'attention sur cette dangereuse question. Le 7 janvier dernier, le PT avait promptement réagi aux émeutes qui ont marqué les différentes parties du pays jugeant la flambée des prix de l'huile et du sucre «de provocatrice». Le Parti des travailleurs s'était dit «scandalisé par les propos du patron de Cevital, le détenteur du quasi-monopole sur le sucre et les corps gras, qui jette de l'huile sur le feu en annonçant d'autres augmentations, en attendant les décisions du Conseil du gouvernement». Le même document avait dénoncé vigoureusement la spéculation criminelle sur les prix, «une véritable provocation politique et sociale, et s'interroge sur ces desseins politiques». Ainsi, après avoir lancé un appel au groupe Cévital, le ministre du Commerce semble passer à l'étape offensive. C'est du moins ce qui ressort des propos qu'il a tenus hier, sur les colonnes du journal Ennahar. En témoigne cette déclaration, brève fut-elle, dans laquelle il évoque «anarchie» et «imposition». Il est à noter que plusieurs opérateurs dans la production du sucre et de l'huile se sont élevés, contre les mesures prises par le groupe de M.Rebrab pour «casser les prix de ces deux produits, élargir sa part de marché et maintenir sa position dominante». Les explications, si nombreuses, du patron dudit groupe ne semblent pas convaincre ses concurrents. Ni encore le ministre du Commerce. Pour le ministère du Commerce, la décision de baisser les prix prise par M. Rebrab, ne serait pas celle d'un mécène mais, au contraire, «celle d'un entrepreneur qui cherche à profiter de la crise pour consolider ses positions». Aussi, M Benbada a-t-il considéré la générosité de ce groupe comme suspecte. En effet, le groupe concerné a baissé les prix en deçà des plafonds fixés par le ministère pour permettre aux intermédiaires d'empocher leur marge bénéficaire et au consommateur de payer le kilo de sucre moins de 90 dinars et le bidon d'huile moins de 600 dinars. Déjà, au cours des émeutes de janvier dernier, Issad Rebrab n'a pas été critiqué uniquement par Mme Hanoune. Le secrétaire génjéral du FLN, Abdelaziz Belkhadem avait également mis cet homme dans son collimateur, en demandant que «l'on casse le monopole» sur les deux produits: le sucre et l'huile. Le gouvernement ne veut pas se contenter de stabiliser les prix. Il va surveiller les sociétés de l'agroalimentaire. C'est dans ce cadre que M.Benbada a rappelé que son département est une autorité publique chargée d'assurer un équilibre entre les différents opérateurs économiques. Comme elle est chargée aussi de veiller sur l'intérêt du consommateur. Pour y parvenir, la concurrence est l'un des moyens les plus appropriés à cette fin. Dans ce contexte, il convient de préciser que la loi ne permet pas la prédominance d'un quelconque opérateur sur le marché à hauteur de 45%. S'agissant de la concurrence, les pouvoirs publics ont entamé leur première démarche pour mettre fin à la situation de monopole qui marque le sucre. Un groupe privé algérien va réaliser, en partenariat avec un leader français (Cristal) dans l'industrie sucrière, une raffinerie à Ouled Moussa dans la région de Khemis El Khechna (wilaya de Boumerdès) d'une capacité de 350.000 tonnes par an pour un investissement de 70 millions d'euros.