Dans le pays, le débat fait rage entre les tenants d'une normalisation rapide avec un scrutin présidentiel et législatif dans six mois comme prévu et ceux qui mettent en garde contre une «confiscation» de la révolution. Le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle est arrivé hier à Tunis pour aider à la transition de la Tunisie post-Ben Ali, deux jours avant l'arrivée du chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. M.Westerwelle est le deuxième ministre européen des Affaires étrangères à venir en Tunisie depuis la chute du président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier, après son homologue britannique, William Hague, mardi. La visite du chef de la diplomatie allemande a pour but de «donner un signal clair de la disposition de l'Allemagne et de l'Europe à aider la Tunisie dans cette période de transformation politique», a indiqué vendredi son ministère. M.Westerwelle devait rencontrer le Premier ministre, Mohammed Ghannouchi, ainsi notamment que les responsables des commissions chargées de mener la réforme politique et d'enquêter sur les malversations et les abus de l'ancien régime. Il a déjà rencontré le président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) Mokhtar Trifi qui a salué en lui «un des premiers (ministres étrangers) à visiter le pays pour appuyer la révolution tunisienne». L'activité diplomatique s'intensifie alors, que près d'un mois après la chute de Ben Ali, le gouvernement transitoire continue de naviguer à vue et reste soumis à une forte pression politique et sociale. Dans le pays, le débat fait rage entre les tenants d'une normalisation rapide avec un scrutin présidentiel et législatif dans six mois comme prévu et ceux qui mettent en garde contre une «confiscation» de la révolution, plaidant pour un report d'au moins un an afin de permettre l'émergence de nouvelles forces politiques. Dans le même temps, l'impatience des couches sociales les plus défavorisées s'accentue, en particulier dans les provinces d'où est partie la révolution. Les autorités ont multiplié dernièrement les appels à la communauté internationale pour un soutien à l'économie du pays, conscientes que la bonne marche de la transition dépend de la relance de l'activité, en particulier du secteur touristique (6,5% du PIB, 350.000 emplois) plombé par des semaines de chaos et de flou. A ce titre, M.Ghannouchi a indiqué cette semaine que Tunis allait «bientôt» organiser à Carthage une conférence internationale sur les réformes politiques et économiques. La chancelière allemande, Angela Merkel, a déjà répondu qu'elle appellerait les entreprises allemandes à aider la Tunisie. Le Premier ministre français, François Fillon, a demandé à sa ministre de l'Economie, Christine Lagarde, de «se rendre très prochainement en Tunisie pour examiner les modalités du renforcement du partenariat économique». Mardi, le commissaire européen en charge de la Politique de voisinage, Stefan Füle, avait annoncé un plan d'aide en faveur de la Tunisie et de l'Egypte pour répondre à leurs «nouveaux besoins» et «apporter un large soutien au processus de transition». Mais avant la visite demain de la diplomate européenne Catherine Ashton, des eurodéputés ont mis en garde contre le «risque de vide politique» en Tunisie. Leur délégation, en visite en début de semaine, a mis l'accent sur la nécessaire indépendance de la justice et «l'importance de créer les conditions nécessaires à la tenue d'élections pluralistes, libres et transparentes». Tout à leur reconstruction, les Tunisiens n'en n'ont pas moins fêté avec joie et fierté la chute vendredi du président égyptien, Hosni Moubarak, dont ils s'estiment les instigateurs. «Cette révolution, c'est aussi la nôtre», titrait le quotidien Le Temps (francophone). «A qui le tour?» demandait en Une Le Quotidien (francophone) en prévenant: «Les peuples arabes prennent leur destin en main. L'effet domino semble bien parti».