La négociation entre l'Armée et les représentants de la révolution doit commencer. L'armée égyptienne, en charge de la gestion du pays depuis le départ du président Hosni Moubarak, a déclaré, hier, la dissolution du Parlement et la suspension de la Constitution, qui sera par conséquent amendée. Dans son «communiqué numéro 5», le Conseil suprême de l'armée a également annoncé «la dissolution de l'Assemblée du Peuple et de la Choura, les deux chambres du Parlement largement dominées par des membres du Parti national démocrate (PND) du président déchu». Dans sa déclaration, il vient, ainsi, confirmer la suspension de la Constitution et la création d'une commission pour l'amender et organiser un référendum sur ces changements. Le Conseil suprême, a-t-il soutenu, prend également en charge la direction des affaires du pays provisoirement pendant six mois. C'est dire que la puissante armée égyptienne, dont le pouvoir est redevable à la révolution des jeunes Egyptiens, est sortie de l'ombre pour se donner les pouvoirs qui lui conviennent. Elle devait pourtant intervenir, juste pour diriger les affaires courantes du pays qui connaît un vide constitutionnel après le départ de Hosni Moubarak. Quelle est la position des Enfants de la révolution du Nil dans l'attente de voir l'Armée constituer un Conseil présidentiel composé de 5 membre dont un militaire pour préparer la transition démocratique? Aujourd'hui, l'Armée forgée dans les vieux carcans du régime Moubarak, est censée relever le défi de création d'un système qui saura satisfaire les revendications démocratiques et politiques de la révolution. On ne peut occulter le fait que l'armée égyptienne a, tout de même, donné au pays tous ses présidents - Mohamed Naguib, Gamal Abdel Nasser, Anouar El-Sadate et Hosni Moubarak. Peut-elle réellement aujourd'hui, assurer la transition et remettre à terme, la clé à un pouvoir civil élu démocratiquement par le peuple? Si l'armée a promis de guider le pays vers la démocratie, reste à savoir comment va-t-elle étendre son emprise sur les affaires de l'Egypte. «Tous les traités régionaux et internationaux signés par l'Egypte seraient respectés», a déclaré, en premier lieu, l'Armée égyptienne, pourtant chargée essentiellement de la gestion des affaires courantes du pays. Sans perdre de temps, et même bien avant, que le Conseil suprême des forces armées, chargé de mettre en place la transition permettant l'installation d'un pouvoir civil, ne soit réuni, il a fait savoir à l'Occident et aux Etats-Unis qu'ils n'ont pas à s'inquiéter quant aux accords et traités ratifiés avec l'Etat israélien. En fait, l'armée égyptienne a commencé par donner la réponse à la question de l'Oncle Sam et de l'Union européenne sur la sécurité d'Israël, et de leurs intérêts dans la région du Moyen-Orient. Maintenant, l'Occident se félicite des «assurances» de l'armée égyptienne ajoutant que le traité Israélo-égyptien est «une pierre angulaire pour la paix et la stabilité dans tout le Moyen-Orient». Unanimes et satisfaits, Américains, Israéliens et Européens ont manifesté et donné, hier, à leur tour, leur approbation à la junte militaire en se disant satisfaits de l'engagement solennel de l'Armée égyptienne à tenir sa «parole». Feu vert aux militaires! Pour ce qui est de l'avenir de la révolution des Enfants du Nil, il faut dire que cette question ne constitue pas de souci pour ces derniers. Et même si tous les ministres du nouveau gouvernement égyptien et les gouverneurs seraient tous issus des corps militaires, cela ne soulèverait aucune interrogation de la part des donneurs de leçons sur la démocratie. C'est dire que le système qui doit remplacer celui du président déchu ne les intéresse même pas. Laisser l'Egypte entre les mains des militaires ou des civils est, il est utile de le noter, sans valeur aux regards des Occidentaux tant que leurs intérêts et la sécurité d'Israël ne sont pas menacés. Par ailleurs, des voix s'interrogent, aujourd'hui, et cherchent à comprendre si ce qui est salué comme un triomphe du peuple ne s'avère pas, une fois de plus, une prise de pouvoir en douceur par les militaires qui se répète en Egypte? Car, tout dépend, en fait, de la manière dont l'armée utilisera son pouvoir. Aussi, faut-il dire, que beaucoup de questions restent en suspens sur son vrai rôle politique présent et futur, soulignent des analystes. Dans cet ordre d'idées, al-Shalakany, professeur de droit à l'université du Caire, a soutenu que «la négociation entre l'armée et les représentants de la révolution doit commencer pour s'assurer que l'armée endosse un rôle traditionnel, et qu'elle ne jouera pas de rôle dans la vie politique». Et de relever que l'Egypte est, malheureusement dirigée par les militaires depuis 1952, toutefois, il ajoutera que jusqu'à présent, ils sont encore au pouvoir, tandis que les civils apparaissent une nouvelle fois au second plan.