Tripoli-Alger, un trajet de 18h a permis une impressionnante opération d'évacuation. A la vue du port d'Alger, le Tassili II s'est transformé en un immense bateau en fête. L'euphorie est au rendez-vous. Les passagers brandissent l'étendard algérien. Au loin, les rescapés scandent «Bouteflika, Allaho Akbar, Bouteflika, Allaho Akbar» ou encore «One, two, tree Viva l'Algérie». Après près de 18 heures de traversée, précédées de deux semaines de peur et d'anxiété, les passagers étaient tellement contents et surtout soulagés, d'arriver à bon port, qu'il en ont, pour quelques heures du moins, oublié leur fatigue. Une telle opération d'évacuation par voie maritime, est en quelque sorte une première mondiale pour l'Algérie. «C'était une opération d'évacuation au sens propre du terme, une première du genre (...) Nos agents étaient vêtus de gilets fluorescents, comme lors des exercices d'évacuation», a déclaré le commandant du navire, Djamel Malki, lors d'un échange d'appréciations avec le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Communauté nationale à l'étranger, Halim Benatallah. Concernant les détails des procédures d'embarquement, Malki a confié au secrétaire d'Etat. «A Benghazi, nous avons pu contrôler la situation, mais à Tripoli, nous avons eu plus de mal à le faire (...) Plusieurs personnes non concernées tentaient de s'immiscer entre les passagers.» À propos de la situation en Libye, le commandant du navire a constaté qu'«à Tripoli, nous n'avons rien ressenti, ça avait l'air calme et paisible», «on s'est senti plus en sécurité à Tripoli qu'à Benghazi». M.Benatallah remercie M.Malki d'avoir assuré le transport des voyageurs. Ce dernier, tout sourire a répondu au secrétaire d'Etat: «Vous n'avez pas à nous remercier, nous n'avons fait que notre devoir.» 753 Sahraouis se trouvaient, hier, à bord du Tassili II, c'est bien le chiffre réel officiellement communiqué à la presse. «C'est le président Bouteflika qui a pris la décision de dépêcher un bateau pour rapatrier les étrangers ainsi que les Algériens piégés en Libye». «Au nom de tous les étudiants sahraouis du Tassili II, je remercie vivement le président de la République algérienne ainsi que tout le peuple algérien», a tenu à exprimer Ammar El-Hassen Brahim, un jeune étudiant Sahraoui. «Nous sommes avec le peuple libyen (...) Son choix sera le nôtre (...) Il est le plus apte à régler ses affaires», a expliqué, de son côté, une jeune Sahraouie, étudiante en sciences exactes, dans une ville qui se trouve à 200 km de Tripoli. «Tous les étudiants sahraouis ont été rapatriés, il n'en reste aucun» ont assuré ces jeunes «Sahraouis qui ont témoigné leur gratitude envers l'Algérie, tout en précisant qu'ils ont été traités comme «des rois» selon leurs propres termes. Sur le visage des 519 Algériens rapatriés par voie maritime, tristesse et nostalgie s'entremêlaient. Et pour cause, certains d'entre eux, se retrouvent en congé provisoire. C'est le cas de trois ingénieurs algériens, travaillant dans la zone industrielle de «Ras Gherenouf» à 850 km de Tripoli. «On nous a sauvés à temps!» a déclaré l'un d'entre eux, «et au moment opportun», a paraphrasé son ami. Nous ne pouvions profiter des opérations aériennes de sauvetage, car ils nous était impossibles de rejoindre Tripoli «à cause des dangers du trajet liés aux mercenaires qui ont implanté des barrages tout au long de la route», ont-ils expliqué. «El-Gueddafi est un menteur, la situation sécuritaire est alarmante, et c'est le peuple qui s'est soulevé», a conclu l'un des trois Oranais qui se retrouvent, maintenant, face à un avenir incertain. D'autres, des femmes, y ont laissé leurs maris. C'est notamment le cas de Zahia mariée à un Libyen. «Mon mari est officier de police, il ne peut pas quitter le pays», «... Mon mari est contre cette révolution, et à Benghazi tous les habitants ne sont pas pour la révolution», a-t-elle expliqué. «La ville est divisée entre les révolutionnaires et les pro-El Gueddafi», a-t-elle poursuivi. La raison principale de ce non-ralliement à la révolution serait, selon le témoignage de cette dame, que le gouvernement intérimaire de Benghazi accepte l'aide des Américains. «Beaucoup de personnes regrettent l'insurrection, ils se sont rendu compte qu'ils n'allaient rien y gagner, elle les a divisés surtout et facilité la tâche aux Yankees», a-t-elle soutenu. Des Marocains ainsi que d'autres étrangers de 25 nationalités différentes faisaient partie de la traversée. Attendue par une délégation marocaine, une vieille dame, perdue dans ses pensées, restait debout au milieu de la foule. A son sujet, le consul du Maroc nous a confié que «la solidarité de l'Algérie envers ses frères marocains existe depuis toujours. C'est un geste noble de la part du gouvernement algérien», (...) «entre deux peuples frères», a-t-il précisé.