Le panel de chefs d'Etat africains chargé de dénouer la crise ivoirienne était attendu hier à Abidjan, après une réunion à Nouakchott, au moment où une flambée de violences fait craindre une guerre civile. Signe de l'aggravation de la situation, le Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a annoncé avoir suspendu ses opérations dans l'ouest ivoirien. Dans cette région s'affrontent depuis plusieurs jours forces armées loyales au président sortant Laurent Gbagbo, soutenues par des miliciens, à l'ex-rébellion du nord alliée à Alassane Ouattara, reconnu président élu par la communauté internationale après le scrutin de novembre. Les cinq présidents africains - Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Jakaya Kikwete (Tanzanie), Idriss Deby Itno (Tchad) et Blaise Compaoré (Burkina Faso) - devaient échanger «pendant deux heures à Nouakchott avant de prendre leur avion pour Abidjan», selon une source diplomatique mauritanienne. Ils y étaient venus une première fois le 20 février pour étudier des propositions de sortie de crise, avant que quatre d'entre eux ne se rendent à Abidjan pour des entretiens avec Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Récusé par le camp Gbagbo qui l'accuse d'avoir pris parti pour M.Ouattara, Blaise Compaoré n'avait pas fait le déplacement à Abidjan, officiellement pour «raisons de sécurité». Il ne viendra pas non plus cette fois. «Il est exclu que le président Compaoré parte à Abidjan, même si les autres chefs d'Etat décident d'aller donner les conclusions de leur concertation», a indiqué la présidence burkinabé, sans fournir d'explication. Mis en place par l'UA fin janvier, le panel avait initialement jusqu'à fin février pour élaborer des solutions «contraignantes». Mais ce délai a été repoussé d'un mois, illustrant les divisions et les difficultés du quintette. Avant même la venue des médiateurs, l'un d'eux, Idriss Deby Itno, a appelé les rivaux ivoiriens à «un arrêt immédiat des affrontements en observant un cessez-le-feu». Car la situation dans le pays se dégrade chaque jour, faisant craindre au Conseil de sécurité de l'ONU une «résurgence de la guerre civile» après les combats de 2002-2003 qui avaient coupé le pays en deux. Cinquante personnes ont été tuées dans des violences entre le 24 février et le 3 mars, portant à au moins 365 le nombre de tués depuis fin 2010, selon la force de l'ONU dans le pays, l'Onuci. Ce bilan ne prenait pas en compte la mort d'au moins six femmes, tuées par balles lors d'une manifestation à Abidjan par les Forces de défense et de sécurité (FDS) de Laurent Gbagbo, selon des témoins. La presse pro-Gbagbo attribuait hier les tirs aux insurgés qu'ont affrontés la semaine dernière les FDS dans le quartier d'Abobo (nord), et qui sont selon elle des ex-rebelles des Forces nouvelles (FN) infiltrés. La France souhaite de son côté que le Conseil des droits de l'homme des Nations unies se saisisse des violences en Côte d'Ivoire et qu'une «commission d'enquête crédible et impartiale sous l'égide de l'ONU» soit mise en place, a annoncé hier le ministère des Affaires étrangères. Sur le plan humanitaire, la situation est également préoccupante. L'insécurité a poussé «plus de 200.000 personnes» hors d'Abobo et, dans l'ouest, plus de 70.000 habitants ont fui le pays, principalement vers le Liberia voisin, selon l'ONU. Les Nations unies se sont aussi inquiétées que le nord tenu par les FN soit privé d'électricité et souvent d'eau depuis le début de la semaine.