Les experts envoyés par le panel de chefs d'Etat chargé par l'Union africaine de désamorcer la crise post-électorale ivoirienne ont achevé jeudi leur mission à Abidjan, après cinq jours de discussions notamment avec le chef d'Etat sortant Laurent Gbagbo et le président légitimement élu Alassane Ouattara. Arrivée dimanche dernier, la délégation, conduite par le Commissaire pour la paix et la sécurité (CPS) de l'UA, Ramtane Lamamra, a quitté dans la matinée la capitale économique ivoirienne où elle a rencontré également des organisations de la société civile et des diplomates occidentaux et africains en poste dans le pays. Les experts dépêchés par l'organisation panafricaine doivent rendre un rapport au panel de chefs d'Etat qui doivent se retrouver le 20 février à Nouakchott (Mauritanie) avant de se rendre eux-mêmes à Abidjan pour une mission des plus difficiles. Mis en place par l'UA fin janvier, ce panel est présidé par le chef de l'Etat mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et il comprend aussi les présidents Idriss Deby (Tchad), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Jakaya Kikwete (Tanzanie) et Blaise Compaoré (Burkina Faso). Chargé par l'UA de trouver une issue à la crise née de la présidentielle du 28 novembre dernier, qui oppose Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara, reconnu président élu par l'ensemble de la communauté internationale, le panel a jusqu'à fin février pour arrêter des décisions "contraignantes". Il s'agit de la énième tentative africaine de débloquer l'impasse en Côte d'Ivoire née du refus de Gbagbo de céder le pouvoir à son adversaire Alassane Ouattara, malgré les appels en vain de la communauté internationale, pressant le président sortant de renoncer à la présidence et la menace ouest-africaine de déloger ce dernier par la force. Au moment où les efforts africains pour juguler la crise en Côte d'Ivoire se poursuivent, la camp de Gbagbo continue d'imposer son autorité notamment en retirant son autorisation d'émettre à la radio de l'Opération de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci), mission dont il a demandé plusieurs fois le départ. "Les fréquences assignées à l'Onuci dans le cadre de l'exécution de son mandat en Côte d'Ivoire sont retirées", a indiqué mercredi un communiqué du Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA, public), instance ivoirienne de régulation. Mission de paix déployée depuis 2004 et appuyée par la force française Licorne, l'Onuci diffusait à travers le pays des programmes, d'information notamment, via sa radio Onuci-FM. Depuis fin 2010, M. Gbagbo réclame le départ de l'Onuci l'accusant de soutenir son rival Alassane Ouattara. Pour rappel, le chef de l'Onuci, Choi Young-jin, avait validé les résultats de la commission électorale donnant M. Ouattara vainqueur et rejeté ceux du Conseil constitutionnel, acquis au sortant, proclamant élu M. Gbagbo. La persistance de la crise ivoirienne suscite, par ailleurs, davantage de préoccupation notamment du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) qui a dit craindre un "déplacement massif d'Ivoiriens". "Si la situation continue à se détériorer en Côte d'Ivoire, nous risquons d'être confrontés à un déplacement massif d'Ivoiriens", a averti le Haut Commissaire, Antonio Guterres qui a exprimé "ses inquiétudes face à la présence au Libéria d'au moins 35 000 réfugiés enregistrés par le HCR, qui ont fui l'instabilité croissante dans leur pays". En outre, quelque 35.000 Ivoiriens ont été déplacés dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, selon les chiffres du HCR qui a estimé, par la voix de M.Guterres, que l'afflux de réfugiés ivoiriens au Libéria "pourrait également avoir des conséquences négatives. Ce pays ayant lui-même récemment surmonté les effets d'une guerre civile, ainsi que d'autres pays dans la région". Pour sa part, l'ONU qui a dénombré plus de 290 morts en Côte d'Ivoire depuis la mi-décembre, s'est déclarée "préoccupée" par les "graves" violations de droits de l'homme dans le pays. Le bilan des violences post-électorales en Côte d'Ivoire a été estimé par le camp d'Alassane Ouattara à 495 morts depuis fin novembre. "Depuis fin novembre, 495 personnes ont été tuées et 1.124 blessées dont 199 graves, 51 personnes détenues et plus de 100 disparues", a relevé le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition de partis pro-Ouattara), lors d'une conférence de presse mercredi.