Le pouvoir marocain donne des signes évidents d'une paranoïa chronique. Le vent de démocratie qui souffle sur le Monde arabe et qui a pris naissance au Maghreb, en Tunisie, donne des frayeurs au Makhzen. Le gouvernement marocain botte en touche et mène un début de campagne insidieux contre l'Algérie. «Les ennemis de l'intégrité de notre territoire vont probablement utiliser (les manifestations dans le Monde arabe) pour mettre en avant leur programme», a déclaré le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, lors d'une émission spéciale sur «Les relations extérieures du Maroc: acquis et challenges», diffusée, lundi dernier, par la chaîne Al Aoula. Et pour être plus précis, le chef de la diplomatie marocaine n'hésite pas un seul instant pour nommer ces «ennemis de l'intégrité du Maroc». «Le Polisario et l'Algérie cherchent à créer des troubles dans cette région», accuse-t-il sans sourciller. Il est utile de souligner que l'Algérie n'a jamais émis le moindre signe de bellicisme envers le peuple marocain et encore moins de visées expansionnistes envers le territoire marocain. Elle n'a par contre, jamais caché son soutien au peuple sahraoui dans sa quête de liberté, dans le respect des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU et qui garantissent au peuple sahraoui le droit de s'exprimer librement dans le cadre d'un référendum. De quoi a peur alors le Maroc qui a annoncé des mesures censées apaiser la contestation sociale? Une marche à laquelle ont appelé des réseaux sociaux soutenus entre autres par l'Amdh (Association marocaine des droits de l'homme) doit se dérouler en principe le 20 février. Plusieurs associations de défense des droits de l'homme seront aux côtés des organisateurs de cet événement. Le Forum vérité et justice ou encore l'Association marocaine des femmes progressistes y seront associés. Cette marche du 20 février est prévue dans toutes les villes du Royaume, devant les sièges des wilayas. Organisée par des jeunes, cette manifestation a pour but de revendiquer une «large réforme politique et démocratique». Les initiateurs de cet appel sont d'ores et déjà qualifiés de traîtres, à l'image de ceux qui ont un avis différent de celui du pouvoir marocain sur la question du Sahara occidental. Sur la Toile la riposte s'organise. «Le Maroc n'est pas sur une autre planète. Il est normal qu'il s'adapte aux mouvements du monde! La démocratie est une valeur désormais universelle que la société civile marocaine est en train de mettre en place, contre vents et marées. Le roi lui-même, dans plusieurs discours, a parlé de monarchie citoyenne. Une monarchie où désormais le sujet devient citoyen. La disparition de certaines pratiques et rituels monarchistes comme le traditionnel baise-main, fera partie de l'évolution des mentalités» s'est insurgé un internaute. Pour rappel, Moulay Hichem, cousin germain du souverain marocain, a estimé que le Royaume ne fera pas exception par rapport à la vague de contestation qui a secoué la Tunisie, l'Egypte et d'autres pays arabes. Le «Maroc n'a pas été encore atteint...Mais il ne faut pas se tromper: presque tous les systèmes autoritaires seront affectés par la vague de protestation. Le Maroc ne sera probablement pas une exception», a souligné le prince marocain, qui arrive en troisième position pour la succession du trône alaouite, dans une interview accordée au quotidien espagnol El Païs. Dans un article repris par le Courrier international hier, le politologue espanol, José Ignacio Torreblanca, se pose une question: «Et si le Maroc basculait à son tour? «Dans le cas du Maroc, nous ignorons si l'appel à la mobilisation populaire, le 20 février prochain, lancé sur les réseaux sociaux, atteindra ses objectifs. Nous savons en revanche, que nombre des éléments déclenchants des révolutions tunisienne et égyptienne sont présents, et que les revendications des jeunes Marocains sont très semblables», enchaîne José Ignacio Torreblanca qui est aussi professeur de sciences politiques à l´Uned, Université nationale d'enseignement à distance en Espagne. Il collabore régulièrement à El Païs. Rabat devrait lui prêter une oreille attentive.