Nacer Aït Mouloud est enseignant de sociologie à l'Université de Tizi Ouzou. Il est également chercheur au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (Cnrpah). Dans cet entretien, il nous livre ses impressions sur le système LMD, la grève à l'Université et son impact sur le cursus des étudiants. L'Expression: Du point de vue pédagogique l'année universitaire en cours sera-t-elle validée? Nacer Aït Mouloud: En tant qu'enseignant, je me pose, d'ores et déjà, cette question. Mais, je n'ai malheureusement pas de reponse. Néanmoins, je sais, tout de même, que l'année sera validée par la tutelle. Voire, des chiffres qui donneront froid dans le dos en matière de réussite des étudiants dans leurs examens, seront avancés. En parlant de l'année en cours, qui a commencé fin novembre dernier et trébuche ensuite contre un mouvement de grève généralisé ouvert, depuis fin février, sans pour autant que des signes de reprise soient manifestés, je dirais sans risque de me tromper que l'Université algérienne traverse une crise sans précédent. Aujourd'hui, la question ne se pose plus en matière de validité ou non de l'année pédagogique, mais, plutôt sur la validité du diplôme délivré. D'ailleurs, le recyclage exigé aux diplômés algériens à travers l'ensemble des universités du monde est révélateur de l'impératif besoin d'engager une véritable réforme de l'Université, et ce, sur les niveaux. La réforme en question ne doit pas être le produit d'un système calqué, importé ou imposé par une volonté politique quelconque. Car, jusqu'ici, les réformes initiées ne repondent ni aux besoins de la société, ni aux besoins économiques du pays, et non plus aux défis de la mondialisation. Par ailleurs, il est à signaler qu'en matière pédagogique, les enseignants se battent contre vents et marées rien que pour mener à terme leurs cours et assurer à temps les examens aux étudiants. Le manque de temps, de moyens, le nombre d'étudiants dans chaque groupe, sont autant de raisons, qui altèrent le cursus d'étude de l'année pédagogique. Le nouveau système d'enseignement est-il contraire aux réformes attendues par la communauté universitaire? En effet, le système LMD mis sur pied par la tutelle renseigne largement sur la maladresse de cette dernière dans sa stratégie portant sur la réforme de l'enseignement supérieur. Car, un tel système est conçu selon des critères et des éléments bien précis par certains pays occidentaux avant de le mettre en application. Les Occidentaux ont pris le soin de faire le bilan de leurs anciens systèmes, étudier leur tissu économique et social, voire culturel, pour connaître leurs besoins en la matière, tout en assurant des passerelles entre les nouvelles et anciennes stratégies d'enseignement. Puis, une telle mission a été confiée aux spécialistes et professionnels, de tous horizons, pour arrêter leurs besoins, leurs objectifs et leurs défis à travers les réformes à mettre en place. Il faut dire par là, que chaque stratégie repond logiquement à une attente bien précise. Cependant, les réformes opérées jusqu'ici dans le secteur de l'enseignement supérieur sont le produit de stratégies importées sans qu'il y ait au préalable un débat de fond ou une quelconque concertation entre les concernés. C'est dire que les réformes ont été faites en l'absence des concernés. Comment qualifiez-vous le mouvement en cours des étudiants? Je dirais qu'il s'agit d'un mouvement qui renseigne sur la bonne santé de la conscience estudiantine. Les étudiants posent, en effet, un sérieux problème, en l'occurrence la démocratisation de l'université et également à la participation aux assises des états généraux de l'Université, qui permettent d'ouvrir un débat de fond sur cette dernière, un débat réunissant tous les concernés sans exception. Au regard des événements que traverse l'ensemble des grandes écoles et universités nationales, il faut dire qu'il y a le feu en la demeure. C'est dire que toutes les hautes autorités du pays sont interpellées.