Une large foule exigeant des réformes à Bahreïn s'est rassemblée hier près de Manama en dépit d'une interdiction de manifester, et les funérailles d'une victime de la répression ont rassemblé des centaines de personnes. Ces démonstrations sont intervenues au lendemain d'un appel de l'opposition dominée par les chiites à poursuivre la contestation de la dynastie sunnite des Al-Khalifa, au pouvoir depuis plus de 200 ans dans ce petit pays, allié des Etats-Unis. Les milieux financiers internationaux se sont inquiétés hier de l'instabilité à Bahreïn, qui avait l'ambition de devenir une place d'affaires régionale, et l'agence de notation Standard and Poor's a abaissé de deux crans sa note souveraine, dorénavant fixée à «BBB». Dans le village chiite de Diraz, aux portes de la capitale bahreïnie, des milliers de manifestants chiites scandant des slogans anti-gouvernementaux se sont mobilisés après la prière du vendredi. La veille, l'opposition avait appelé les manifestants à se rassembler dans les lieux de culte, plutôt que dans les rues. «En paix! en paix!», criaient les manifestants, «nous sommes prêts à sacrifier notre sang et notre âme pour Bahreïn». Les autorités bahreïnies ont décrété cette semaine l'état d'urgence, qui interdit notamment les rassemblements, après des semaines de contestation dans ce petit royaume, où les Etats-Unis maintiennent le commandement de leur Ve Flotte. Un important religieux chiite, cheikh Issa Qassem, a appelé dans son sermon à respecter les principes de la non-violence. «L'approche pacifique a été notre choix depuis le début», a-t-il affirmé. Dans le village de Sitra, aux abords de Manama, des milliers de personnes ont assisté aux funérailles d'une des victimes de la répression, un chômeur de 28 ans, Ahmed Farhan, tué mardi soir dans des affrontements avec la police. Selon sa famille et des sources médicales, il a été touché à la tête par une balle tirée d'un hélicoptère, et les autorités ont interdit pendant plusieurs heures que son corps soit rendu à la famille par les services hospitaliers. Des affrontements cette semaine ont fait au moins huit tués et des dizaines de blessés et la communauté internationale a condamné la répression par le régime. Jeudi soir, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a mis en garde contre l'usage excessif de la force dans un appel téléphonique au roi de Bahreïn Hamad Ben Issa Al-Khalifa. Auparavant, la haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, avait également dénoncé comme «choquante et illégale» la répression lancée cette semaine contre les manifestants qui réclament des réformes depuis plus d'un mois. Bahreïn a reçu le soutien de son puissant voisin l'Arabie Saoudite qui a dépêché vers Manama un millier de militaires, faisant partie du Bouclier de la Péninsule, la force commune des pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Les Emirats arabes unis ont également envoyé des troupes pour aider le régime de Manama, et hier le Qatar a lui aussi annoncé sa participation à cette opération. L'opposition, dont six figures de l'aile dure ont été arrêtées jeudi, réclame des réformes pour obtenir une plus grande participation politique et a refusé la proposition du pouvoir d'un dialogue national avant que ne démissionnent des personnalités clefs du régime. En Irak, des milliers de personnes ont manifesté hier dans plusieurs villes pour soutenir l'opposition et demander le départ des forces du CCG envoyées à Bahreïn. Jeudi soir, plusieurs centaines de chiites avaient manifesté dans l'est de l'Arabie Saoudite pour protester contre la répression et exiger eux aussi le retrait des forces du Bouclier de la péninsule.