L'Egypte attendait hier le résultat du référendum sur une révision de la Constitution, marqué samedi par une forte mobilisation des électeurs pour ce premier scrutin de l'après Moubarak, mais aussi par de profondes divisions sur l'ampleur des réformes à mener. La commission électorale a indiqué hier que les résultats des différents bureaux devaient lui parvenir dans la journée et qu'elle avait trois jours tout au plus pour en faire l'annonce officielle. La presse a salué de manière unanime la mobilisation «record» des électeurs lors de ce référendum d'ores et déjà qualifié «d'historique» quelle que soit son issue. Pour al-Ahram (gouvernemental) «le peuple a dit «oui» à la participation et «non» à la fraude» qui caractérisait les élections sous le régime du président Moubarak, qui a démissionné le mois dernier sous la pression de la rue. Pour al-Alam al-Youm (indépendant), «le peuple a pris le parti de la démocratie». Tous les titres mettaient en une des photos des longues files d'attente devant les bureaux de vote où des électeurs montrant leur doigt trempé dans de l'encre rose après avoir voté. L'ambassadrice des Etats-Unis au Caire, Margaret Scobey, a fait part de son «grand optimisme» pour l'édification d'un «avenir démocratique» en Egypte, après avoir vu «les Egyptiens en nombres sans précédents venir exercer pacifiquement leurs libertés nouvellement acquises». Les électeurs étaient appelés à se prononcer sur une série d'amendements à la Constitution héritée de l'ère Moubarak destinée, selon l'armée qui détient le pouvoir depuis la chute de l'ancien président, à la rendre compatible avec une transition démocratique. Les amendements proposés prévoient, notamment de limiter toute présidence à deux mandats de quatre ans (contre un nombre illimité de mandats de six ans) et assouplissent les conditions de candidature à la magistrature suprême. Les partisans de cette réforme limitée assurent qu'elle suffit pour organiser le retour à un pouvoir civil sous quelques mois après des élections législatives et présidentielle. Ses adversaires estiment, en revanche que le pays devrait se doter d'une loi fondamentale totalement nouvelle s'il veut réellement tourner le dos à 30 ans de régime Moubarak, quitte à prendre plus de temps. Tout en mettant l'accent sur la participation, certains journaux relèvent aussi des clivages au sein de la population, en particulier entre les islamistes et la communauté chrétienne copte, qui représente de 6 à 10% de la population. En filigrane figure l'article 2 de la Constitution que la révision ne prévoit pas de changer et qui fait de l'islam la religion d'Etat, et des «principes de la loi islamique» la «source principale» de la législation. Rose el-Youssef (gouvernemental) souligne que «les islamistes ont appelé en force à voter «oui»», allusion au soutien des Frères musulmans à une réforme qui préserve cet article, tandis que «les partis (hostiles au projet) et les chrétiens ont dit «non»». Nahdet Misr (indépendant) estime que le référendum «est une épreuve de force entre les Frères musulmans, les salafistes et le PND (ex-parti au pouvoir) d'une part, les mouvements et les partis de la révolution ainsi que les coptes d'autre part». L'agression de l'opposant, Mohamed El Baradei, partisan du «non», par une foule qui lui a jeté des pierres alors qu'il allait voter dans un quartier pauvre du Caire, était évoquée de manière factuelle par une partie des journaux. L'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) et prix Nobel de la Paix n'a pas été blessé. Il a jugé «irresponsable» d'organiser un référendum «sans sécurité».