En visite au Caire, Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a réitéré le «refus de son pays de l'usage de la force en Libye». Les excès de l'intervention de la coalition en Libye ont suscité polémique et condamnation dans le monde. La Russie, par les voix autorisées de son Premier ministre, Vladimir Poutine, et son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, a été très claire dans sa condamnation de l'usage excessif de la force contre la Libye. Moscou a ainsi exprimé samedi son regret face à l'intervention armée étrangère dans le cadre de cette résolution 1973, avant de durcir le ton hier par, notamment les déclarations de son chef de la diplomatie M.Lavrov, et le chef du gouvernement, M.Poutine. Au Caire où il se trouve en visite officielle, avant son arrivée à Alger (dans la soirée d'hier), Sergueï Lavrov a fait part hier du «refus de son pays de l'usage de la force en Libye», indiquant: «Nous nous opposons à l'usage de la force militaire contre les civils», dans une conférence de presse tenue conjointement avec le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, au terme de leur entrevue au Caire, appelant à une coordination des efforts dans le cadre du droit international humanitaire. A Moscou, Vladimir Poutine a encore été plus clair, critiquant vivement hier la résolution de l'ONU autorisant le recours à la force, qui ressemble selon lui à un «appel aux croisades» témoignant d'une «tendance forte» des Etats-Unis à «recourir à la force contre des pays tiers». «Il est clair qu'elle (la résolution) autorise tout à tout le monde, n'importe quelle action à l'encontre d'un Etat souverain. Cela me fait penser à l'appel aux croisades à l'époque du Moyen Age quand on appelait les gens à partir quelque part pour libérer cet endroit», a insisté le Premier ministre russe, cité par les agences russes. Ce n'est effectivement pas une première dans l'histoire contemporaine de Washington. L'ex- Yougoslavie, l'Afghanistan, l'Irak pour ne citer que ces interventions musclées US, note le Premier ministre russe. Il est vrai qu'une lecture superficielle des faits, imputerait à la France, l'initiative et le leadership de la coalition, encouragée, dans un premier temps, par la Ligue arabe. Or, la stratégie américaine a fait mine de retenue au début des événements, laissant la France faire la campagne militaire contre la Libye. Aussi, les Etats-Unis avaient précisé que toute initiative et décision d'intervention revenaient au Conseil de sécurité de l'ONU. A croire que ce n'est pas ce colosse qui avait pris la décision unilatérale d'intervenir en Irak, pour mettre fin au règne de Saddam Hussein, et ce, au mépris et contre le refus du Conseil de sécurité d'une action contre l'Irak. «Ce qui m'inquiète c'est la légèreté avec laquelle sont prises aujourd'hui les décisions concernant l'utilisation de la force dans les affaires internationales», a déclaré M.Poutine, ajoutant: «Cela devient une tendance forte et une constante dans la (politique) des Etats-Unis.» Il est incontestable que le régime libyen est loin d'être une démocratie, à l'image des idéaux occidentaux. «Mais cela ne signifie pas que nous avons le droit de nous ingérer dans un conflit politique intérieur, même s'il s'agit d'un conflit armé, en défendant l'une des parties impliquées», a-t-il ajouté. De son côté, le Premier ministre bulgare Boïko Borissov a jugé, hier, que les frappes aériennes de la coalition internationale en Libye sur mandat de l'ONU étaient une «aventure» guidée, notamment par des intérêts pétroliers. Cette déclaration vient conforter et surtout compléter la thèse du projet de mainmise des Etats-Unis sur le pétrole libyen, qui se voulait discrète. «Le pétrole et l'exploitation future du pétrole libyen sont les principaux motifs derrière la conduite de cette opération. Il y a de nombreux pays africains où des centaines de milliers de personnes ont été tuées, où des troubles sont en cours, mais où il n'y a pas d'opérations», a ajouté M.Borissov. Il en est de même du chef de la diplomatie allemande, Bruno Westerwelle qui -, s'appuyant sur les critiques de la Ligue arabe - après coup -, découvre que la coalition excède largement la mission à elle confiée par le Conseil de sécurité de l'ONU -, a indiqué hier à Bruxelles: «Nous avons dit très clairement depuis le début que nous ne participerions pas» à cette action de la coalition internationale. «Cela signifie que nous estimons qu'il y a des risques» avec l'opération en cours, «et lorsque nous entendons ce que la Ligue arabe a dit hier (dimanche), malheureusement, nous constatons que nous avions des raisons d'être préoccupés». Le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, avait déclaré dimanche que «ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne». Il est revenu sur ces propos hier, expliquant qu'ils avaient été mal interprétés. Il n'en reste pas moins que le monde, stupéfait, découvre l'expédition punitive montée contre la Libye, cela sous mandat - très large et équivoque, il est vrai, se prêtant à toutes les interprétations - donnant à la coalition de détruire délibérément (?) les infrastructures de la Libye.