La menace islamiste n'étant plus à l'ordre du jour, le rôle de garde-fou que jouait le Sénat n'est donc plus de mise. La nouvelle couleur politique de la Chambre haute du Parlement algérien, bien avant le renouvellement de ses deux tiers est déjà connue. La majorité absolue va passer du RND au FLN, alors que Bensalah, homme d'Etat avant d'être militant politique, sera beaucoup plus au service de ceux qui l'ont nommé que de son actuel parti. Le MSP pourrait fort bien disparaître pour laisser la place, symbolique s'entend, à un autre parti islamiste, le MRN de Saâd Abdallah Djaballah. Quant au FFS, il ne fera que se maintenir, reconduisant ses deux sénateurs. Rien de nouveau, donc, n'est à attendre au Sénat lors du renouvellement, via le vote des grands électeurs, des deux tiers de sa composition. Cette Chambre, selon les termes de la Constitution, donne encore moins de pouvoir aux sénateurs qu'aux députés, ce qui est en soi anormal quand on voit de quelles prérogatives jouissent les sénateurs dans la plupart des démocraties occidentales de ce monde. Les sénateurs, chez nous, ne peuvent proposer des lois. Ils ne peuvent, non plus, amender les textes qui leur sont soumis. Ces prérogatives sont celles des membres de l'APN même si seuls les représentants de l'opposition s'en sont servis assez régulièrement sans aucun succès, il faut le dire. Le seul rôle du Sénat, celui-là seul pour lequel il avait été mis en place en 97, conformément à la Constitution de 96, est de servir de garde-fou contre tout grave dérapage mettant en danger la notion même de République. La force suprême du Sénat étant celle de détenir le pouvoir de bloquer les textes de loi, et de ne pouvoir le faire que grâce à un tiers de ses membres, c'est-à-dire uniquement les hommes du Président. Le risque islamiste n'est presque plus à l'ordre du jour. Ceux qui continuent de brandir le spectre de l'ex-FIS sont ceux qui ont compris qu'ils n'avaient aucune chance de prendre le pouvoir par la voie normale des urnes. Ils sont entièrement coupés du peuple. Ils prônent la dictature au nom de la démocratie, ce qui représente un comble sans doute jamais atteint même dans les pires caricatures de démocratie de par le monde. Le Conseil constitutionnel, il faut le souligner, joue en gros le même rôle puisqu'il est chargé de veiller à la conformité de toutes les lois avec la Constitution algérienne. Il est largement apte à le faire devant le net recul de la mouvance islamiste. Cela est d'autant plus certain que ce recul ira en s'accentuant depuis que le peuple a acquis une grande maturité politique et a commencé à ne plus croire au populisme, aux discours électoralistes et aventuriers qui ont mené le pays vers les graves dérives qui ont failli provoquer sa ruine. Le chef de l'Etat, du temps où il était encore candidat, avait violemment critiqué la Constitution, et mis en exergue l'inutilité du Sénat. Il ne l'a pas dissous toutefois. Pour le faire, il eût fallu d'abord réviser la Constitution. Mais sans doute le Président Bouteflika avait-il d'autres urgences à traiter, telles que le rétablissement de la paix et de la concorde, la mise en chantier du plan d'aide à la relance économique et le traitement de crises artificielles créées en vue de contrecarrer les grands chantiers du Président. Mais les prochaines étapes du chef de l'Etat, s'il réussit à décrocher un second mandat, consisteront à finaliser les réformes de l'Etat et de la justice. Cela passe nécessairement par la révision de la Constitution et la dissolution du Sénat, une instance budgétivore qui ne sert désormais à rien, ou presque...