Une fois sa richesse bien établie, le pouvoir de l'argent passe à l'étape supérieure et investit le champ politique. Les compradores composent une caste d'intermédiaires chargés des approvisionnements mais qui deviendront vite des richissimes hommes d'affaires. Difficulté de réguler le marché, manque de liquidités dans les bureau de poste et autres institutions financières de l'Etat, l'euro poursuit sa flambée sur le marché parallèle de la devise, l'économie informelle explose: fraude fiscale, travail au noir, blanchiment d'argent...L'Algérie semble plongée dans un cycle infernal de déréglementation économique. L'Etat a-t-il perdu le contrôle de l'appareil économique? Ou plutôt, quel rôle lui reste-t-il à devant une mafia politico-financière qui dicte sa loi? Dans tous les cas de figure, les dernières déclarations du Premier ministre, un aveu qui en dit long, nous renseignent on ne peut mieux sur la difficulté de l'Etat d'intervenir en cette conjoncture particulière. La déclaration de Ahmed Ouyahia, Premier ministre de surcroît, le week-end dernier en ces termes «le plus grand bénéficiaire des évènements de janvier dernier, c'est l'argent sale!» n'est pas fortuite surtout en affirmant que l'Etat ne recule que pour mieux avancer, nous renseigne aussi sur le malaise qui gagne l'appareil de l'Etat devant le pouvoir de l'argent. L'Algérie n'échappe pas au phénomène de la globalisation économique. Dès que l'économie s'ouvre aux capitaux étrangers et qu'on livre l'économie locale et les services aux forces du marché, le rôle de l'Etat est automatiquement diminué et se limite à protéger le modèle lui-même. En conséquence, cela conduit à une contradiction entre les intérêts du peuple et la classe créée pour protéger les capitaux étrangers. Ce modèle sert à enrichir les riches, appauvrir la classe moyenne, marginaliser et aliéner les pauvres, répliquent les altermondialistes aux adeptes de l'économie de marché. L'économie de marché est-il un choix, une contrainte ou plutôt une injonction? Cette question qui semble trouver plusieurs réponses sur plusieurs angles selon les convictions politico-économiques de nos politiques ou de nos économistes, reste toutefois posée avec acuité. «Laisser faire et laisser passer» déclamaient les adeptes du capitalisme qui croyaient fort à la thèse «de la somme des intérêts particuliers qui aboutit à l'intérêt général en dépit des mises en garde de la main invisible». cette thèse est fallacieuse répliquaient les adeptes du modèle socialiste qui croyaient, par contre, que seul l'intérêt général peut aboutir à l'intérêt particulier. En somme, ce débat chaud des milieux des années 80 en Algérie, ne semble pas encore consommé, pour cause, nous sommes encore loin du bout du tunnel de la transition de l'économie administrée vers l'économie de marché. En tout cas, cette transition obligatoire pour ne pas dire imposée, mal ou pas du tout préparée, a coûté cher au pays sur plusieurs plans, financier, économique et politique... D'ailleurs, cette situation n'est pas étrangère à la crise du dinar qui enfle sur le marché parallèle. Sinon, comment expliquer le manque de liquidités de la monnaie nationale dans les bureaux de postes et de la devise dans les institutions financières et sa disponibilité sur le marché parallèle? Pourquoi l'euro connaît une explosion sans précédent pourtant on n'est ni à l'approche de la période de pèlerinage à La Mecque ni à la fin de la saison estivale qui se caractérise habituellement par un manque de liquidités? La question interpelle les plus hautes instances de l'Etat surtout que les cambistes nous affirment qu'habituellement, la courbe du taux de change fléchit à l'approche de la saison estivale. Tout porte à croire, que la trouille a sérieusement gagné les spéculateurs de tout bord qui optent pour le transfert de capitaux et autres placements de devises à l'étranger illégalement par crainte de l'arrivée du vent de la révolte qui souffle sur le Monde arabe. La problématique de la difficulté de l'Etat qui n'arrive pas encore à réguler le marché, qui est la résultante de tous les maux de l'économie nationale, explique à elle seule l'ancrage des compradores, des spéculateurs et autre mafia-politico financière dans la sphère économique nationale. La régulation du marché n'a pas seulement la peau dure en Algérie, elle brûle les doigts de ceux qui oseront la toucher ou plutôt même l'approcher. «On ne joue pas avec le feu au risque de se brûler les mains», disent quelques experts qui ont su tirer des leçons, voire des conclusions depuis les dernières émeutes du mois de janvier dernier. Cette classe de riches «loin de faire la comparaison avec la classe bourgeoise classique» n'a-t-elle pas eu raison finalement de la loi visant à imposer une facturation au-delà d'un achat de 50 millions de centimes? Les «compradores», une caste d'intermédiaires composée à l'origine de simple commis, d'intendants ou d'intermédiaires, chargés des approvisionnements mais qui deviendront vite des associés de première importance, prennent petit à petit des participations dans les entreprises familiales, les sociétés étrangères et des entreprises mixtes et se développent. Une fois leur richesse bien établie, le pouvoir de l'argent acquis, ils passent à l'étape supérieure. Ils investissent la politique pour s'emparer du pouvoir. C'est tout le danger qui guette l'Etat algérien.