Le président ivoirien Alassane Ouattara prenait hier les rênes d'un pays à la dérive avec la mission immense de réconcilier une nation divisée et de rétablir la paix et la sécurité, au lendemain de l'arrestation de Gbagbo. «Réconciliation», «retour à l'ordre et au calme», «espérance», les premiers mots d'Alassane Ouattara après l'arrestation du président sortant qui refusait depuis quatre mois de quitter le pouvoir, ont exprimé sa volonté «de tourner une page». Lui faisant écho, le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a estimé que la Côte d'Ivoire disposait désormais d'une «occasion historique» et devait promouvoir la réconciliation nationale, établir un gouvernement d'unité nationale et rétablir l'autorité de l'Etat, a rapporté son porte-parole. Ban Ki-moon a demandé à M. Ouattara - qui avait été reconnu internationalement comme le président élu après le scrutin du 28 novembre -, d'éviter un nouveau «bain de sang» et des représailles à l'encontre des partisans du président sortant. Les quatre mois de crise ont fait au moins 800 morts dont la moitié à Abidjan, selon l'ONU. La bataille d'Abidjan a précipité la capitale économique, dont la population est évaluée à quatre millions d'habitants, au bord d'une catastrophe humanitaire, avec des quartiers livrés à l'anarchie et aux pillages de groupes en armes. «Nous avons de très vastes mouvements de population d'un quartier à l'autre car aucun quartier n'est vraiment sécurisé», a déclaré lundi le coordonnateur humanitaire des agences de l'ONU et des ONG, Ndolamb Ngokwey. «Il y a beaucoup de cadavres qui jonchent les rues, et pas seulement dans le quartier des ambassades», a-t-il dit citant des témoins. La situation humanitaire est également très difficile dans l'intérieur du pays, notamment dans l'Ouest où les combattants des deux camps ont été accusés par l'ONU et des ONG d'exactions. «J'en appelle (...) à tous mes compatriotes qui seraient gagnés par un sentiment de vengeance à s'abstenir de toute acte de représailles et de violences», a déclaré Alassane Ouattara, dans son premier discours télévisé lundi. Il a dit vouloir mettre en place une commission vérité et réconciliation «qui fera la lumière sur tous les massacres, crimes et autres violations des droits de l'homme». M.Ban Ki-moon a salué cet appel à la création d'une telle commission, inspirée de l'Afrique du Sud, et promis la coopération de l'ONU pour l'avenir. Laurent Gbagbo, 65 ans, a été arrêté lundi à l'issue d'une offensive sur sa résidence à Abidjan. Au pouvoir depuis 2000, il s'est rendu vers 13h00 (locales et GMT) en compagnie de son épouse Simone après une offensive des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) de M.Ouattara, grâce à l'appui décisif des puissants moyens aériens et blindés de la force française Licorne et de celle de l'ONU (Onuci). Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, a démenti hier tout rôle direct des forces françaises dans cette capture. «L'ONU et la France voulaient le respect des résolutions du Conseil de sécurité, rien de plus rien de moins». Et «l'Onuci a été en tête, ce sont les hélicoptères de l'Onuci qui ont commencé à bombarder et la France, comme on nous l'a demandé, est venue en soutien», a-t-il précisé. La chute de Laurent Gbagbo est une «bonne nouvelle» pour la dizaine de pays africains qui vont connaître des élections en 2011 et dont les résultats devront être respectés, a affirmé également Alain Juppé. Il a souligné que «la France n'accueillerait certainement pas» M.Gbagbo. M.Ouattara a annoncé le lancement d'une procédure judiciaire contre son ex-rival, son épouse et ses collaborateurs, assurant que «toutes les dispositions sont prises» pour assurer leur «intégrité physique». Les ministres européens des Affaires étrangères, réunis à Luxembourg, devaient promettre hier au président Ouattara une aide économique à long terme pour l'aider à reconstruire un pays menacé par le chaos.