La série égyptienne mobilise la diplomatie israélienne...et américaine... Jamais feuilleton arabe - ramadanesque qui plus est- n'a bénéficié d'autant de publicité que celui par qui semble venir le scandale et programmé actuellement par les chaînes arabes d'Egypte et du Proche-Orient. Avant même de passer sur le petit écran, Farès bila jawad (Cavalier sans monture) a fait l'objet de mises en garde sans précédent de la part d'Israël et des Etats-Unis. Même le président Bush, qui a d'autres préoccupations que celle de s'émouvoir à propos d'un feuilleton égyptien, a cependant trouvé le temps de s'inquiéter de la programmation de cette série arabe. Plus officiellement, les Etats-Unis, par la voix d'un porte-parole du Département d'Etat, Lynn Cassel, ont «exprimé (leur) profonde inquiétude concernant le programme «Cavalier sans monture» aux responsables égyptiens, que ce soit à Washington ou au Caire». Pourquoi ce soudain intérêt pour une production arabe qui, somme toute, ne dépare pas de ses précédentes, et surtout comment - sans avoir vu le programme incriminé - peut-on affirmer, comme le font Israéliens et Américains, qu'il véhicule ou fait «la promotion de la haine», comme le soutient Mme Cassel? Ainsi, le banc et l'arrière-banc des organisations juives à travers le monde se sont-ils mobilisés pour empêcher la sortie d'une série historique dont absolument rien, jusqu'ici, ne justifie une telle levée de boucliers et les alarmes dont font montrent Israël et les Etats-Unis. De fait, ce qui a mis en branle la machine de propagande israélienne, et des organisations juives, est le fait que les producteurs ne cachent pas s'être inspirés du fameux document connu sous le nom de «Protocole des Sages de Sion» écrit à la fin du XIXe siècle et attribué à des juifs qui prépareraient la domination du monde, que ces derniers considèrent comme un faux. N'entrons donc pas dans ces spéculations historiques et restons au niveau plus terre à terre d'une production télévisuelle dont la seule ambition est de mettre en image la lutte contre l'occupation britannique et le mouvement sioniste qui prépara l'avènement de l'Etat hébreu. L'histoire vue du côté arabe, montrant la création de l'Etat hébreu sur les décombres de la Palestine historique! Quoi de plus naturel? Mais les autorités israéliennes, suivies en cela par Washington, ont vite fait donc de détourner le sens prétendant, au passage, d'en interdire la diffusion dans le monde arabe. Le fait même qu'Israël et les Etats-Unis, nonobstant le contenu du feuilleton incriminé, soient intervenus massivement plusieurs semaines avant la programmation du Cavalier sans monture pour en demander le retrait, est une forme, ambiguë certes, de ce contrôle qu'Israël veut imposer à son environnement arabe. Depuis sa création, en 1948, Israël mène sans relâche une véritable inquisition contre les Arabes, notamment pour ce qui est de leurs possibilités militaires. Qu'Israël se dote d'armements nucléaires prohibés, c'est normal, que ce soit les Arabes qui tentent de le faire et cela devient un crime de guerre. Que les Israéliens, dirigeants et partis politiques, incitent à la haine en traitant les Arabes de tous les noms d'oiseaux possibles et imaginables, (un leader religieux est allé jusqu'à traiter les Arabes de serpents venimeux qu'il faut éliminer) sans que cela suscite l'inquiétude des Etats-Unis, car cela est dans l'ordre des choses. Pour revenir au feuilleton, comment, alors qu'ils ne l'ont pas vu, Israéliens et Américains peuvent-ils ainsi porter des jugements de valeur sur une oeuvre dont, pour le moment, les craintes à son encontre ne sont pas fondées? De fait, les autorités égyptiennes qui soutiennent la chaîne privée Dream TV, productrice du feuilleton, n'ont cessé de déclarer que le feuilleton en cause n'avait aucun caractère antisémite, comme l'indique le ministre égyptien de l'Information, Safouat Chérif, qui a déclaré: «Notre politique médiatique est de refuser qu'une oeuvre dramatique, un documentaire ou un programme comporte des allusions portant atteinte aux valeurs religieuses» Renchérissant, le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Maher, estime, pour sa part, que «le tapage autour de ce feuilleton est exagéré et injustifié» affirmant: «Ceux dont les voix s'élèvent n'ont pas vu le feuilleton.» Le ministre égyptien des Affaires étrangères indique: «Nous ne ferons pas cas de ces tentatives de porter préjudice aux relations américano-égyptiennes basées sur le principe de non-ingérence et d'égalité.» C'est précisément à une ingérence appuyée que se livre Israël qui veut se donner le droit de contrôler les oeuvres de l'esprit réalisées par les Arabes. Dans le cas qui nous intéresse, Israël a la prétention d'interdire toute version de la création de l'Etat hébreu, hors de la sienne et qui ne soit pas estampillée «made in Israël». Ainsi, Israël qui a interdit à la communauté internationale de savoir ce qui s'est passé à Jenine où un crime contre l'humanité a été commis par l'armée d'occupation israélienne contre les Palestiniens, veut de même empêcher le monde d'avoir un autre point de vue sur la création de l'Etat hébreu et les crimes sionistes qui l'ont accompagnée. A l'évidence, cela n'a rien à voir avec l'antisémitisme brandi par les Israéliens et les Américains, car le feuilleton égyptien reste dans le cadre de la narration d'un fait d'histoire et la lecture qu'en font les Arabes. Ce qui, en revanche, est clair, c'est que Israël veut dominer, à défaut du monde, à tout le moins son environnement arabe.