Dans le collimateur du Hamas, le président palestinien raccrocherait les gants au moment où les négociations entre les deux belligérants sont dans une impasse de tous les dangers. Un scoop! Mahmoud Abbas renonce à la présidence palestinienne: coup de poker ou non? On est tenté de dire «tant mieux!» devant l'impasse actuelle. Petit retour en arrière pour voir comment l'allié des Occidentaux tente ce coup de poker. Il y a cinq ans, Arafat meurt; des élections propres et honnêtes sont organisées contre toute attente des stratèges occidentaux, le Hamas remporte haut la main les élections dont l'ancien président Carter et tant d'autres observateurs occidentaux diront qu'elles ont été légales. Résultat des courses: sur décision d'Israël, le Hamas fut diabolisé par l'Occident, les vivres sont coupés et Israël pacifie. Les populations meurent en silence. Mieux. L'Autorité palestinienne est par la force des choses et des dollars amenée à collaborer amenant le coup de force du Hamas sur Ghaza en 2007. Depuis plus de trente mois Ghaza est soumise à un blocus inhumain, l'aide internationale ne passe pas, les médicaments ne passent pas. Mieux. De décembre à janvier 2009, Israël procède à une véritable boucherie: 1400 morts dont 400 enfants, 5000 blessés, des destructions sans nombre, pas d'électricité, pas d'eau... Pour une fois, une enquête des Nations unies est décidée, du fait que les bâtiments des Nations unies ont été attaqués. «Le Rapport» fait par le juge Goldstone demande aux deux bélligérants (David et Goliath) de faire une enquête. On remarquera que la dizaine de morts israéliens est équivalente aux 1400 morts palestiniens. Bluff ou décision irrévocable? Israël a fait l'impossible pour annuler les effets de ce rapport. Il y a même un vote du Sénat qui demande au président Obama de mettre son veto au Conseil de sécurité. Les rodomontades des Arabes aux Nations unies seront sans effet. Le Rapport Goldstone ira rejoindre les centaines de résolutions de l'ONU qu'Israël bafoue régulièrement. A l'approche du scrutin qui se tiendra à l'initiative de Mahmoud Abbas le 24 janvier 2010 en Cisjordanie, en l'absence d'accord de réconciliation avec le Hamas, le président en exercice de l'Autorité palestinienne vient d'indiquer devant le comité de l'OLP qu'il jette l'éponge. Bluff stratégique ou décision irrévocable. Dans le collimateur du Hamas, et déstabilisé en interne par de vives critiques, le président palestinien raccrocherait les gants au moment où les injonctions de Barack Obama appelant Israël à geler la colonisation israélienne sont restées lettre morte, et où les négociations entre les deux belligérants sont dans une impasse de tous les dangers. Plusieurs dirigeants palestiniens, qui n'envisagent pas les élections sans le président sortant, ont aussitôt déclaré qu'ils le pressaient de revenir sur sa décision. Clinton avait soutenu publiquement le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, qui veut une reprise des négociations avec les Palestiniens sans gel préalable des colonies, revenant ainsi sur la position de Barack Obama. Hillary Clinton a ensuite fait machine arrière, mais ses propos continuent de susciter le désarroi du président palestinien. Le message, ajoute le politologue, s'adresse aussi à certains «frères arabes». Le ministre des Affaires étrangères égyptien, Ahmed Aboul Gheit, avait lui aussi, mercredi au Caire, semblé abandonner le préalable du gel des colonies, appelant Israéliens et Palestiniens à se «concentrer sur l'objectif final plutôt que de perdre du temps à exiger telle ou telle chose».(1) Comment se fait-il qu'il y ait eu revirement? Pour Adrien Prier du journal Le Figaro, Le Premier ministre israélien a réussi l'impensable: résister aux mises en demeure de Washington et faire endosser le rôle du mauvais élève aux Palestiniens. Netanyahou a réussi à renverser les rôles. Hillary Clinton, en visite éclair au Proche-Orient, est repartie en félicitant le Premier minis-tre israélien et en rejetant les conditions palestiniennes à une reprise des négociations. «Ce que le Premier ministre israélien a proposé en matière de retenue dans la politique de colonisation est sans précédent», a affirmé la secrétaire d'Etat américaine, qui a aussi précisé que le gel de la colonisation n'avait «jamais été une condition préalable» aux pourparlers. «J'espère voir les deux parties reprendre les négociations le plus tôt possible», a ajouté Hillary Clinton. Ce revirement d'une Administration américaine qui exigeait, il y a quelques mois encore, le gel total des colonies israéliennes en Cisjordanie, a un goût de victoire pour Netanyahou. (...) Netanyahou a réussi l'impensable. Il a non seulement résisté aux mises en demeure de Washington, mais il est aussi parvenu à faire endosser le rôle du mauvais élève aux Palestiniens. L'Administration Obama, qui a compris au cours de l'été que le dossier israélo-palestinien était un peu plus complexe que prévu, a fini par se contenter de ces demi-mesures. Pas les Palestiniens, qui refusent de revenir s'asseoir à la table des négociations. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, trop faible politiquement pour se montrer accommodant, continue à s'arc-bouter sur le gel des colonies. Comment accepter qu'un processus de paix visant à faire cesser l'occupation soit accompagné de nouvelles constructions dans des colonies visant à perpétuer cette même occupation? demande-t-on dans son entourage. Netanyahou s'est offert le plaisir de relancer publiquement Mahmoud Abbas: «J'espère beaucoup que les Palestiniens vont comprendre qu'ils doivent s'engager dans le processus de paix, car c'est leur intérêt comme le nôtre.» La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est faite «l'avocat du diable» lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères à Marrakech où elle a félicité le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou pour, paraît-il, limiter les activités de colonisation. Pour rappel, un gel total des colonies avait déjà été fixé comme une condition préalable aux pourparlers de paix, mais Clinton a annoncé qu'à son avis, les prétendues «concessions» de Netanyahou étaient suffisantes pour que les Palestiniens reviennent à la table des négociations. En public, les ministres arabes ont fait connaître leur déception avec le changement de ton des Etats-Unis qu'ils présentent comme une atteinte au processus de paix. Mais nous ne savons pas ce qu'ils ont dit à Clinton en secret lors des réunions à huis clos, d'autant que la secrétaire d'Etat américaine a réitéré sa demande préalable, à savoir que les pays arabes dits modérés prennent des mesures allant dans le sens de la normalisation avec le gouvernement israélien actuel. Cela, dit-t-elle, afin d'encourager les Israéliens à faire avancer le processus de paix. (2) Nous craignons fort que les ministres arabes des Affaires étrangères ne souscrivent à la nouvelle position américaine sur les colonies et ne fassent pression sur l'Autorité [nationale] palestinienne pour qu'elle renonce à vouloir imposer un gel total des activités de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem comme préalable non négociable à une reprise des pourparlers. (..) Le prince héritier de l'un des émirats du Golfe arabe a même dit au président palestinien de ne pas provoquer, par ses hésitations, la colère du président des Etats-Unis (qui, lui, semblait le mieux disposé de tous les dirigeants américains à l'égard de la cause arabe et le plus désireux de négocier un accord de paix...). L'ex-président palestinien devrait s'en tenir à sa position qui est de ne pas reprendre les négociations avec ce gouvernement israélien extrémiste qui a pour seul but d'annexer les terres palestiniennes, de judaïser Jérusalem occupée, de mettre en morceaux la mosquée Al-Aqsa et de construire une synagogue à sa place. (2) Clinton joue-t-elle le jeu? «Assez de mensonges, Hillary Clinton! écrit Omar Himi el Gul dans une tribune d'Al Hayat! (...) Il ne fallait pas attendre de l'intervention d'Hillary Clinton qu'elle fasse avancer le dossier israélo-palestinien, ni des envoyés spéciaux de l'administration américaine qu'ils fassent pression sur l'Etat hébreu et le contraignent à trouver une solution négociée. Mais on ne pouvait pas imaginer que la secrétaire d'Etat américaine aggraverait les choses en tordant le cou à la vérité. A la suite de son entretien avec le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou [le 1er novembre à Jérusalem], elle a inversé les rôles et affirmé que ce sont les Palestiniens qui faisaient obstacle à la négociation. Selon une source israélienne haut placée, les Américains pensent à présent que les Palestiniens empêchent tout progrès dans le processus de paix. (...) Il est vrai que, par le passé, la direction palestinienne a accepté de négocier sans avoir obtenu l'arrêt de la colonisation. Cela veut-il dire pour autant qu'il faut se prêter au jeu israélo-américain? (...) C'est à se demander si la chef de la diplomatie américaine veut vraiment la paix. Est-ce bien dans l'intérêt de la paix de poursuivre l'implantation de colonies, les confiscations de terres et la judaïsation dans les territoires occupés depuis 1967, là où devrait être créé le futur Etat palestinien? Tout cela sert-il la négociation ou est-ce la loi de la jungle? Autant de questions dont les réponses se trouvent du côté d'Hillary Clinton et de son administration. La principale question toutefois est de savoir pourquoi elle se ment à elle-même, à son peuple et au reste du monde et cherche à travestir la réalité en accusant les Palestiniens de faire obstacle à la négociation. Pourquoi donc, Madame? Qui vous a achetée? Combien les pro-Israéliens vous ont-ils offert?»(3) On se souvient du tollé provoqué par la demande de Mahmoud Abbas de différer la discussion du Rapport Goldstone au printemps! Khaled El Hroub décrit le scénario progressif ayant amené à cet état de déliquescence de la cause palestinienne. Ecoutons-le: «En demandant au Conseil des droits de l'homme le report du vote sur le rapport de l'ONU qui accuse Israël de crimes de guerre, l'Autorité palestinienne a provoqué la colère de la population. En Israël, l'ancien Premier ministre Ehoud Olmert comparaît devant la justice pour corruption et détournement de quelques dizaines de milliers de dollars. Dans son pays, il n'est pas le premier à devoir démissionner et s'expliquer devant les juges pour de telles affaires, des affaires qui, dans le monde arabe, passeraient pour tellement banales que les coupables n'auraient jamais été inquiétés. C'est ainsi qu'en Palestine, malgré les millions de dollars dilapidés durant les années des accords d'Oslo [1993-2000], une poignée de dirigeants continuent d'accaparer les décisions. Et, comme si la corruption financière ne leur suffisait pas, ils ont également corrompu la politique. Ils ont manipulé la cause nationale et gâché le peu de soutien international qui reste au peuple palestinien.»(4) «Le dernier scandale en date est la demande faite par l'Autorité palestinienne d'ajourner le vote sur le rapport du courageux juge juif sud-africain Richard Goldstone. Les responsables de cette aberration politique doivent être démis de leurs fonctions et jugés. C'est un coup de poignard dans le dos pour ceux qui forment le front de solidarité internationale et humanitaire avec les Palestiniens. Le travail de centaines d'organisations des droits de l'homme est réduit à néant, tandis que les criminels de l'armée israélienne et leurs acolytes en sortent confortés. Au lieu de se retrouver dans le box des accusés pour crimes de guerre, ils peuvent continuer d'afficher leur superbe et d'aller et de venir en toute liberté. Qui a décidé d'étouffer le rapport? Comment est-il possible qu'il soit enterré, de la pire manière - et avec le soutien palestinien? Même s'il n'existe aucune instance de contrôle législative dans les Territoires, le peuple palestinien a le droit de savoir. (...) Repousser de six mois le vote sur le rapport revient à l'enterrer purement et simplement. Personne ne peut croire qu'il sera possible de mobiliser l'opinion publique mondiale une seconde fois. D'autant moins que nous savons que même un verdict de la justice internationale, pris à la quasi-unanimité, concluant à l'illégalité du mur de séparation raciste, n'a abouti à aucun résultat [en 2004, la Cour internationale de justice avait jugé que le mur de séparation était ´´contraire à la loi internationale´´]. L'Autorité palestinienne n'a rien entrepris pour profiter de ce jugement et n'a même pas cherché à maintenir le dossier ouvert. Tout ce que nous savons de ces pressions, c'est que Hillary Clinton et d'autres responsables américains auraient dit qu'un vote sur le Rapport Goldstone affaiblirait les possibilités d'une reprise des négociations, alourdirait le climat et réduirait les occasions pour une diplomatie constructive. (4) Obama savait que le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et son gouvernement s'opposeraient au principe d'un gel total des colonies. Par conséquent, pourquoi a-t-il tellement insisté? Que va-t-il faire maintenant? Washington risque de perdre la face et sa crédibilité si, confronté à l'entêtement israélien, le président américain recule. Obama risque également de ne gouverner que pendant un seul mandat et de voir échouer d'autres de ses grandes initiatives politiques s'il fait malgré tout pression sur Tel-Aviv sous peine de s'aliéner le lobby pro-israélien aux Etats-Unis, qui l'affrontera non seulement sur la question du Moyen-Orient, mais aussi sur des questions nationales. (...) Il aurait été plus logique d'exiger qu'Israël mette un terme à un acte illégal et immoral - la colonisation - et d'exiger également des Arabes qu'ils mettent un terme à des actes tout aussi inacceptables, comme le terrorisme contre les populations civiles, les manifestations antisémites ou la négation de l'Holocauste. Nous n'en sommes encore qu'à la phase d'apprentissage d'Obama dans la région.(5) Nous savons maintenant qu'Obama a les mains liées. Que la secrétaire d'Etat ne cache pas ses affinités pour Israël. Que les Arabes ne feront rien pour aider la Palestine, que les pays modérés veulent avant tout sauver leur dynastie royale ou républicaine. C'est à se demander si la politique du pire menée par Israël n'est pas à terme la pire des politiques. Quand Saâb Urikat menace de revenir à la solution à un Etat, peut-être que c'est la solution. Un Etat laïc multiconfessionnel serait pour le Moyen-Orient un exemple à suivre. Dans ces conditions, l'affirmation que l'Etat d'Israël est un Etat juif comme le martèle Netanyahou, n'a plus de sens. 1. Pierre Prier: Abbas jette l'éponge avant l'élection de janvier. Le Figaro 05/11/2009 2.Bari Al Atwan: Hillary Clinton: l'avocat du diable. 5 Novembre 2009 http://www.bariatwan.com/index.asp 3.Omar Hilmi Al-Ghoul: Assez de mensonges, Hillary Clinton! Al-Hayat Al-Jadida02.11.2009 4.Khaled Al-Hroub:Palestine - Un peuple roulé dans la farine. Courrier international 15.10.2009 5.Rami G. Khouri: Des erreurs de débutant The Daily Star. 15.10.2009