Les Nigérians sont appelés à élire samedi le prochain président du premier producteur de pétrole d'Afrique, qui est aussi, avec ses 155 millions d'habitants, le pays le plus peuplé du continent, avec pour ambition de tourner la page d'élections violentes et frauduleuses. Le chef de l'Etat sortant Goodluck Jonathan, 53 ans, part favori de ce scrutin auquel se présentent 20 candidats mais il devrait être mis au défi par l'ex-dictateur Muhammadu Buhari, 69 ans, très populaire dans le nord. Cette présidentielle s'inscrit dans une série d'élections devant permettre de tester la capacité de la nation la plus peuplée d'Afrique à organiser enfin des élections transparentes, une décennie après avoir renoué avec les régimes civils (1999). Des législatives le 9 avril se sont déroulées généralement dans le calme, même si des épisodes de violence isolés ont été relevés et les observateurs électoraux ont salué une nette amélioration par rapport aux précédents scrutins. Cependant, trois attentats à la bombe ont marqué ce vote, dont un qui a fait au moins 13 morts. Cela n'a pas entamé l'enthousiasme des Nigérians qui sont sortis voter en nombre. Le pays s'est notamment doté d'un nouveau fichier électoral électronique comportant les empreintes digitales des plus de 73 millions d'inscrits. La précédente liste était truffée d'électeurs fantômes. Goodluck Jonathan, vice-président devenu chef de l'Etat en mai 2010 suite au décès de son prédécesseur Umaru Yar'Adua (2007-2010) est un chrétien du Sud, candidat du parti démocratique du Peuple (PDP). Ce parti domine largement la scène politique et a remporté toutes les présidentielles depuis 1999. Mais les choses pourraient être moins simples cette fois, selon des analystes qui voient Buhari comme un vrai rival pour Jonathan. «Il y aura sans doute une lutte sans merci entre les deux», estime Kunle Amuwo, de l'International Crisis Group. Certains vont même jusqu'à prédire un second tour, ce qui serait une première depuis 1999. Le PDP a en outre vu sa suprématie s'éroder lors des législatives avec certains de ses sièges remportés par l'opposition. Le général Buhari qui a dirigé le Nigeria d'une main de fer en 1984-1985 et brigue la présidence pour la troisième fois depuis, est un musulman du Nord où des millions d'électeurs estiment que la présidence devrait lui revenir. Beaucoup jugent dans cette région que l'élection de Jonathan serait une entorse à une règle non-écrite prévoyant une rotation du pouvoir tous les deux mandats entre le Nord et le Sud. Yar'Adua, musulman du Nord également, est mort avant la fin de son premier mandat. Nuhu Ribadu, un «monsieur propre» qui a dirigé l'agence anti-corruption du Nigeria, et Ibrahim Shekarau, gouverneur sortant de l'Etat de Kano, dans le Nord, sont deux autres candidats jugés importants dans cette élection. La lutte contre la corruption qui gangrène la nation et le manque d'électricité dans un pays vivant au rythme des générateurs ont été des thèmes cruciaux de la campagne. Parmi les dossiers prioritaires sur la table du prochain président figure aussi la question du delta du Niger, région pétrolifère du sud en proie aux violences depuis des années. Une amnistie a permis une accalmie et une remontée de la production de pétrole du huitième exportateur mondial, mais c'est un calme précaire. Le pays, dont la population est équitablement partagée entre musulmans et chrétiens, fait également face à des attaques meurtrières sporadiques dans le Nord, imputées par les autorités à une secte islamiste, Boko Haram. Dans le centre, des crises récurrentes à caractère ethnique, religieux et politique ont fait des centaines de morts ces dernières années. Beaucoup dénoncent la passivité des autorités et attendent une réelle implication pour y mettre fin. Le 26 avril auront lieu les élections des gouverneurs de la fédération ainsi que des assemblées régionales.