Les Nigérians, répartis équitablement entre musulmans, majoritaires dans le nord et chrétiens, plus nombreux dans le sud, sont appelés à élire leur Parlement le 2 avril, leur président le 9 et les gouverneurs des 36 Etats de la fédération ainsi que les assemblées législatives régionales le 16. 50 ans après son indépendance, l'ex-colonie britannique doit montrer avec ces élections si elle est enfin à la hauteur de son énorme potentiel. «Si ces élections ne sont pas libres et justes, c'est le progrès du Nigeria qui sera en jeu», affirme Thompson Ayodele, directeur de l'Initiative pour l'analyse des politiques publiques. Le Parti démocratique populaire (PDP) du président Goodluck Jonathan, un chrétien issu du Sud pétrolifère, candidat à sa succession, a remporté chaque présidentielle depuis le retour au régime civil en 1999. Cependant, si le sortant part favori, il est mis au défi par l'ex dirigeant militaire Muhammadu Buhari, un musulman du nord qui bénéficie d'un large soutien dans cette région où beaucoup estiment que la présidence devrait leur revenir. Le PDP pourrait aussi voir reculer son nombre de sièges dans les deux chambres du Parlement, selon certains analystes. Et perdre des postes de gouverneur dans plusieurs Etats, ce qui pourrait engendrer des violences postélectorales. Plusieurs attentats à la bombe ont secoué le pays ces derniers mois, amenant le président Jonathan à déclarer samedi lors d'un meeting: «Ni mon ambition ni celle de tout autre homme politique ne mérite que le sang d'un Nigérian coule.» Le pays est aussi régulièrement secoué par des flambées de violence à caractère ethnique et religieux dans le centre. Premier producteur de brut d'Afrique, le Nigeria est gangrené par la corruption et sa population reste majoritairement pauvre. Paradoxalement, le pays ne produit qu'une quantité anecdotique d'électricité et importe son essence, ses raffineries étant en très mauvais état. Des progrès ont cependant, été soulignés. Le gouverneur de la Banque centrale s'efforce depuis près de deux ans de faire le ménage dans le secteur bancaire et la croissance du PIB devrait atteindre 7% cette année. Goodluck Jonathan n'a eu de cesse de promettre des élections libres et justes depuis qu'il a succédé en mai dernier à Umaru Yar'Adua, décédé en cours de mandat. Diplomates et officiels s'accordent pour dire qu'il n'est pas réaliste de s'attendre à une série de scrutins entièrement transparents cette fois-ci, mais estiment que des progrès pourraient être observés. La nouvelle commission électorale, dirigée par un professeur respecté, suscite de nombreux espoirs après avoir, notamment compilé un nouveau fichier électoral à l'aide d'équipements coûteux. Les empreintes digitales des 73,5 millions d'inscrits dans la nation la plus peuplée d'Afrique ont ainsi été enregistrées lors d'un processus jugé plus réussi qu'en 2007, en dépit d'incidents. «Ce qui donne de l'espoir c'est que (...) au moins, les responsables de la commission électorale semblent déterminés à organiser des élections libres, justes, et crédibles», estime Clement Nwankwo, directeur du centre de réflexion et de recherche Policy and Legal Advocacy Centre, à Abuja.