Des résultats partiels de l'élection présidentielle de samedi au Nigeria faisaient apparaître une division nette entre le Nord musulman qui a voté Muhammadu Buhari et le Sud chrétien favorable au président sortant Goodluck Jonathan. Le dépouillement des bulletins de vote se poursuivait hier, les résultats complets des 36 Etats de cette Fédération étant attendus, selon la Commission électorale, dans les quarante-huit heures après la fin d'un scrutin que les autorités ont voulu transparent et que les observateurs ont salué. Les premiers résultats publiés dans la presse locale de divers Etats révélaient une bonne performance dans la moitié nord du pays du musulman de Muhammadu Buhari, ex-dictateur militaire (1984-1985) qui briguait la présidence pour la 3e fois, et une forte implantation dans le Sud du président sortant Goodluck Jonathan, un chrétien originaire de la région pétrolifère du delta du Niger (sud). «Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle dans cette élection présidentielle. La bonne, c'est que nous comptons des votes réels et que les gens s'y intéressent. La mauvaise, c'est que le pays est gravement divisé, le Nord contre le Sud», a commenté Chidi Odinkalu, de l'ONG Open Society Justice Initiative. Le quotidien This Day affirmait hier que les premiers résultats «reflètent la coupure entre le Nord et le Sud, avec des électeurs de chaque partie votant en fonction de critères régionaux et religieux». De nombreux analystes avaient mis en garde contre ce scénario dans un pays aussi turbulent que le Nigeria, une nation de 155 millions d'habitants et de plus de 250 groupes ethniques. Pour l'emporter, le candidat qui a le plus de voix doit également obtenir au moins un quart des voix dans au moins deux-tiers des 36 Etats, soit 24 Etats, selon les termes de la Constitution. Si l'hypothèse d'un second tour avec un duel Jonathan-Buhari se confirmait, ce serait une première depuis 1999. Les observateurs internationaux ont accordé un premier satisfecit à ce scrutin qui a débuté à l'heure et s'est déroulé dans un calme relatif, malgré trois attentats à la bombe, dont l'un dans un hôtel de Kaduna (nord) a fait huit blessés selon la police. «Le scrutin s'est tenu dans des conditions encore meilleures que celles de la semaine dernière» aux législatives, a affirmé Alojz Peterle, chef de la mission de l'Union européenne et ancien Premier ministre slovène. «Nous sommes en train d'observer, je l'espère, le géant africain se réformer, ranger sa maison et mettre ses affaires au clair», a déclaré l'ex-président du Botswana, Festus Mogae, qui dirigeait la mission d'observation du Commonwealth. Des tensions se sont cependant manifestées dans le Nord où des électeurs ont craint des fraudes de la part du camp du parti au pouvoir, le Parti démocratique du Peuple (PDP) de Goodluck Jonathan. Dans l'Etat d'Adamawa, à Jada, une foule en colère a brûlé la maison d'un responsable politique, soupçonné d'avoir caché dans sa demeure des urnes électorales, a rapporté la police qui a ouvert une enquête.