Malgré les mesures prises en début d'année pour stabiliser les prix des produits de première nécessité, la pénurie de semoule se fait ressentir! Le ministère de l'Agriculture et la Fédération nationale des boulangers démentent toute pénurie ou augmentation des prix de la semoule. Mais la réalité est tout autre! En effet, un petit tour chez les grossistes du célèbre quartier de Semar (Gué de Constantine), nous renseigne très vite sur rareté de ce produit de large la consommation. Il aura fallu faire le tour de pratiquement tout le quartier pour trouver encore des commerçants qui vendent de la semoule. «Je suis en rupture de stock depuis presque une semaine», avoue Ammi Moh, commerçant rencontré sur place. Cette pénurie de semoule, Ammi Moh l'explique par le fait que les semouleries et les minoteries ne produisent pas de quantité suffisante pour couvrir la totalité du marché algérien. «Aux usines on nous répond que le blé n'est pas disponible, donc on ne peut pas le transformer en semoule!», ajoute-t-il. Cette réponse de Ammi Moh, va complètement à contresens de celle donnée par un responsable de la communication au niveau du ministère de l'Agriculture. Celui-ci affirmait sans ambages que «toutes les semouleries et minoteries du pays sont approvisionnées le plus normalement du monde, il n'y a donc aucune pénurie». Même son de cloche du côté de la Fédération nationale des boulangers qui assure par le biais de son président Kalafat Youcef, que les 14.000 boulangers représentés par son association n'ont constaté aucune pénurie et encore moins d'augmentation des prix. «On achète toujours le quintal à 4000 DA», garantit-il. Mais, au moment où nous allions sortir du magasin de Ammi Moh, un événement retient notre attention et nous confirme l'existence de cette pénurie que les autorités essayent tant bien que mal de cacher. En effet, l'employé du sympathique Ammi Moh, est rentré bredouille chez son patron, alors qu'il était parti à l'aube pour «chasser» de la semoule. «J'en ai trouvé un peu, mais elle coûtait trop cher», dit-il d'un air désolé à son chef. «Il faut attendre dimanche pour espérer que les prix baissent», lui révèle-t-il. Un autre grossiste estime pour sa part que «cette pénurie n'est pas du ressort des producteurs ni de l'Etat, mais c'est à cause de la mafia qui contrôle le marché de gros.» Il est affirmatif: «Ce sont eux la cause de toutes les pénuries et les augmentations de prix des produits alimentaires». Il raconte que ces «cartels» de l'alimentation, jouent avec les prix comme ils le désirent. Ils font la pluie et le beau temps. Explication: d'après lui, ils achètent en grosses quantités les produits qu'ils désirent raréfier. Puis ils les cachent pour quelques jours. De ce fait, ils arrivent à créer une sorte de pénurie et ainsi avoir la mainmise sur les prix. Et dès qu'on leur demande des explications, ils se cachent derrière les producteurs et les accusent illico-presto. Il tient toutefois, à préciser que «la plupart des grossîtes du coin ne sont que la 3e main de cette chaîne commerciale, après les producteurs et les cartels, on ne peut donc pas contrôler les prix». Cette situation de plusieurs intermédiaires est causée par le fait que la plupart de ces commerçants ne disposent pas de registre du commerce. Ils ne peuvent par conséquent pas acquérir leur marchandise directement chez le producteur et sont donc obligés de passer par un intermédiaire. Mais les commerçants ne disposent également pas d'argent liquide pour payer les producteurs, ils sont encore une fois obligés de passer par cette mafia qui leur fait crédit. C'est donc un cercle vicieux qui se fait avec la complaisance de l'Etat. «Non, il n'y a aucune mafia, ce sont les producteurs qui imposent le diktat», relate avec un air irrité un grossiste qui dit acheter sa semoule directement de l'usine. «Ce sont eux qui font la loi, ils ont augmenté les prix, mais sur les factures, c'est toujours les mêmes prix», relate-t-il. «A titre d'exemple, le sac de 25 Kg nous revenait à 950 DA, maintenant, il est à 1150 DA, le quintal nous est donc cédé à 4600 DA», compare-t-il. «Pour nous les grossistes, on trouve déjà cette augmentation énorme, imaginez les pauvres citoyens!», s'indigne-t-il. «La viande du pauvre», comme elle est appelée dans certaines régions du pays, n'est donc plus accessible au peuple. La pénurie et l'augmentation des prix existent bel et bien. Et cela même si les pouvoirs publics s'entêtent à le démentir. Les signes avant-coureurs de cette pénurie sont déjà perceptibles. Des minotiers avaient tiré à l'époque la sonnette d'alarme. «La semoule risque de manquer sur le marché cet été, période durant laquelle la consommation de ce produit augmente sensiblement», avertissaient-ils. L'Algérie aurait lancé mardi 26 avril un appel d'offres international pour acheter 50.000 tonnes d'orge, selon des traders européens cités par l'agence. L'Algérie, l'un des plus importants acheteurs de blé au monde, a importé 1,65 million de tonnes de ce produit durant le premier trimestre 2011, selon les statistiques des Douanes publiées. Est-ce une coïncidence que cette commande soit faite quelques jours après la médiatisation de cette crise? En tous cas, la crise est bel et bien là; souhaitons juste qu'elle ne se transforme pas en émeutes populaires comme ce fut le cas pour l'huile et le sucre. Surtout que la langue de bois dont font preuve les responsables agace à plus d'un titre les citoyens. La consommation de semoule en Algérie commence traditionnellement à augmenter à partir du mois d'avril jusqu'à la fin de l'été, période des fêtes et de mariage où les Algériens consomment beaucoup de couscous. Il ne faut donc pas s'étonner de voir cet été des mariages sans couscous et sans makroute et des naissances sans tamina.