Quatre films ont donc tenu en haleine un public fort enthousiaste venu découvrir ces expériences cinématographiques fraîchement «fabriquées». Parrainé par l'acteur et réalisateur Lyès Salem, qui a dit oui tout de go à cette bande de copains qui se sont lancé le défi de faire du cinéma, Alger demain, les films, oeuvre de Thala films production a été projetée jeudi dernier à la Cinémathèque algérienne. quatre en fait sur les huit ont été projetés, les autres sont en attente de financement pour pourvoir être tournés. Toutefois une belle gageure que celle de réaliser quatre courts métrages en l'espace de trois mois. Une aventure, qui a uni des passionnés de cinéma, la plupart des bénévoles de tout bords, mordus d'art pour que ce défi prenne corps et que ces images voient le jour. Quatre films donc ont tenu en haleine ce public fort enthousiaste venu découvrir ces expériences cinématographiques fraîchement «fabriquées»! des films déroulant des rêves ou des espoirs et exprimant des interrogations mais aussi des frustrations et des cauchemars. Bref, des questionnements de la vie de tous les jours, entre inquiétude et révolte, espérance et désenchantement. Questionnement d'une jeunesse «Alger demain» tout un programme. Et si l'avenir c'est déjà demain justement et le présent une vague vue de l'esprit? Où se situerait dans ce cas la réalité et où s'arrête la fiction? tel semble le propre du cinéma qui, le temps d'une halte dans une salle obscure, nous procure autant de vertige que d'émotion. Le film de Raouf Bénia Un jour à Alger jette comme un effroi dans la vie de Hakim qui prend peur en se demandant un moment si ce qui l'entourait était faux. Son cauchemar à lui est de ne plus voir de métro à Alger et que le marché obtenu avec un homme d'affaires à Médéa vienne à tomber à l'eau. La vapeur est renversée le temps d'une petite illusion où le temps s'arête pour céder la place aux divagations de son imagination. Bien drôle. Car son cauchemar à lui vraisemblablement, s'apparente à notre vécu. Le film est anachronique mais ce qui est sûr est qu'à cette époque là, Alger possède enfin son métro! Le comédien a du bagout et c'est bien rendu à l'écran. Dans le film du Franco-Croate Etienne Kaleb, Procrastination, un homme campé par Khaled Benaïssa est hanté par l'image de son amour Mina alias la belle Sofia Nouaceur (deux comédiens phares du film El Manara de Belkacem Hadjajd). Azzedine est tiraillé entre le besoin de la contacter et la peur de passer à l'acte. Son téléphone devient à la fois l'objet avec lequel il pourrait agir mais en même temps le prétexte pour se dérober et se donner une excuse pour ne pas le faire et voir d'autres personnes. Azzedine c'est un homme face à ses hésitations. Rongé par le doute. Il est habité par l'autre. Et pourtant il n'ose pas l'appeler. Son inconscient lui renvoie l'image de l'autre qui l' afflige de reproches. Ce type nous dit-on, a la pathologie de remettre à demain ce que l'on peut faire aujourd'hui. L'apparition de l'héroïne rend bien ce jeu de miroir psychologique que s'inflige ce personnage torturé au milieu de cette atmosphère nimbée de silence strident. Un sujet bien universel mais on ne voit pas où est le rapport avec Alger? Avec peu de dialogue et assez court finalement, ce film nous laisse comme un goût d'inachevé. Octobre 1988 Bien qu'avec quelques maladresses au niveau du dialogue, dans Demain, Alger? le réalisateur Amin Sidi-Boumediene, qui n'est pas à son premier coup d'essai, signe ici une oeuvre majeure de qualité. Dans ce court d'apparence oiseuse, se noue l'histoire d'un pays qui est près de l'explosion. C'est le calme avant la tempête qui est montré. Le hors champ est décidément toujours plus fort que tout. Trois jeunes discutent en bas d'un immeuble. Le départ imminent de leur meilleur ami à l'étranger est au centre de leurs discussions qui virent très vite à la dispute. Si d'aucuns sont résignés à cette nouvelle, l'un vit le départ de son ami presque comme une trahison. Les adieux sont effet difficiles. Fouad ne dira pas finalement au revoir à ses amis. De quoi sera fait demain? Dans la voiture il discute avec son père justement de cette Algérie qui aura peut-être changé de visage à son retour. Demain serait- il meilleur qu'aujourd'hui? Dans une cité morte où l'horizon semble bouché pour ces jeunes qui n'ont cesse de scruter le ciel, se prépare pourtant demain, quelque chose qui va faire basculer le sort de notre pays. Mais aucun indice apparent n'est dit dans le film. Les plans sont statiques, cadrés près des visages pour exprimer tout le poids du malaise qui frappe notre jeunesse. On étouffe. et patatras! Demain c'est un jour que des milliers d'Algériens ne sont pas près d'oublier. Le 05 Octobre 1988 la terre a grondé. Demain, Alger sonne le glas d'une fatalité qui trouve son écho dans cet espoir hypothétique. Un film fort car dessiné avec intelligence et une démarche bien intéressante qui questionne le passé pour bien mesurer le poids du présent. Alger d'hier a-t-elle si bien changé finalement? Et si nous avions plutôt régressé aujourd'hui? Amine Sidi Boumediene pose un regard critique sur sa société. La souffrance de cette jeunesse, souvent chair à canon d'un système, est hélas bien une réalité. Bel hommage rendu à cette génération qui n'a pas hésité à prendre son destin en main. Que reste-il aujourd'hui de ses acquis? La fin du film marqué par des chiffres, nous bascule tout d'un coup vers cette vérité amère. De la fiction, le film d'Amine Sidi Boumediene prend la tournure d'un documentaire bien cruel mais tellement vivant. «Cela fait longtemps que je voulais parler d'Octobre 88, ça m'a choqué de voir que presque aucun film n'a abordé ce sujet à part celui de Malik Lakhdar Hamina que je n'ai pas vu malheureusement. A propos du thème Alger, je me suis dit autant parler du passé et faire en sorte que le futur soit aujourd'hui, et donc de questionner les gens et de voir par rapport à Octobre 88 si les choses ont réellement changé. La date n'apparaît qu'à la fin du film pour montrer que cette conversation entre ces jeunes aurait pu avoir lieu aujourd'hui» confie-t-il. Se regarder en face pour bouger est finalement le propre de tous ces films, y compris le dernier de cette programmation. «Un homme, face miroir» de Zakaria Saïdani raconte les délires d'un jeune schizophrène qui vit dans sa bulle en se fabriquant un monde idyllique après que sa petite amie l'eut laissé tombé. Ivre de chagrin Zico, le surnom même du réalisateur, se retrouve à l'hôpital où il va dérouler le fil de son histoire. Mais où se situe le faux du vrai? Le rêve en noir et blanc s'interpose aux couleurs de l'espace qui l'entoure. L'amour est effectivement un enfant de bohème, c'est pourquoi il faut en prendre garde. Zico restitue un récit qui n'est peut-être pas le sien. Serait-ce des phantasmes chimériques dictés par un excès d'amour pour sa petite amie qui l'a fait basculer... Ses souvenirs sont brouillés. Son amie est métamorphosée en une statuette d'un blanc immaculé comme un ange cristallisé qui ne veut pas sortir de ce coeur d'artichaut. Des images, des questionnements et finalement des préoccupations dont certaines semblent somme toute frivoles mais bien réelles et légitimes à une jeunesse qui a bien besoin de se regarder et de se mirer dans ce qui nous constitue, fusse-t-il de l'insoutenable légèreté de l'être.. «On a démarré de rien. Heureusement qu'on a trouvé du soutien auprès de quelques sponsors, de gens et des producteurs comme Najib Gamache, Hamoudi Lagoune. On a travaillé très dur sur ce projet et c'est cela la magie du cinéma, on se réveillait à 7h du matin. On travaillait jusqu'à 5h tout en gardant le sourire. Nous avons reçu une aide d'environ 50.000 DA puis on a pris des acteurs dans la rue, qu'on a formés on va essayer de faire tourner les films pendant un an dans des festivals étrangers. On vise Locarno, Saint-Sébastien... Par la suite on compte les sortir en DVD et on verra avec les chaînes télé. On a un petit contact avec Nesma TV. Mais on n'a pas envie de brader les films, on veut faire tourner dans de bonnes conditions», souligne le producteur Yacine Bouaziz. Notons enfin que Procrastination et Demain, Alger? sont programmés cette année aux Rencontres cinématographiques de Béjaïa.