La tension entre la France et l'Italie, née du flux d'immigrants de l'Afrique du Nord, s'est évaporée hier à Rome, laissant place à une entente italo-française pour un rétablissement du contrôle aux frontières et une révision du traité de Schengen dès le mois de mai prochain, à l'occasion de la réunion du conseil de l'Europe. N'appelant plus à une suspension des accords Schengen, le président français s'est tout de même accroché à sa position, affirmant hier, lors de la conférence de presse commune avec son homologue italien, que le traité en question doit être réformé. Les deux dirigeants n'ont apparemment pas perdu leur temps, entre-temps, car ils ont annoncé avoir écrit une lettre commune à ce sujet au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et au président du Conseil européen, Herman van Rompuy, et la question sera au menu du Conseil européen du mois de juin prochain. Sur la même longueur d'ondes, Nicolas Sarkozy et Sylvio Berlusconi n'ont pas hésité à demander à l'Union européenne d'“examiner la possibilité de rétablir temporairement le contrôle aux frontières intérieures” des Etats membres. La lettre adressée à Bruxelles par les deux hommes précise que ce rétablissement doit être envisagé “en cas de difficultés exceptionnelles dans la gestion des frontières extérieures communes, dans des conditions à définir”. Les dirigeants italiens et français, qui affirment avoir constaté que “les pressions aux frontières communes entraînent des conséquences pour l'ensemble des Etats membres”, estiment que “le Conseil européen de juin doit donner l'impulsion politique permettant de dépasser les obstacles pour prendre des décisions concrètes en réponse aux difficultés actuelles”. Ils pensent que “la principale priorité pour l'Union européenne est de trouver très rapidement un accord global avec ses voisins du sud de la Méditerranée”. Le chef de l'Etat français s'est donc prononcé pour une réforme du traité de Schengen sur la libre circulation des personnes en Europe face à l'afflux d'immigrants et de réfugiés en provenance notamment d'Afrique du Nord. Pour rappel, la vague d'immigrants avait provoqué ces dernières semaines de sérieuses tensions entre la France et l'Italie. Nicolas Sarkozy a notamment déclaré en présence du président du Conseil italien : “Nous voulons que Schengen vive mais pour que Schengen vive, Schengen doit être réformé.” Le chef de l'Etat français a insisté sur une révision du traité en soulignant que “nous voulons le renforcement de son texte, nous voulons le renforcement de ses évaluations, nous voulons davantage de moyens pour que les frontières de l'espace Schengen soient garanties”. Et d'ajouter : “C'est justement parce que nous croyons en Schengen que nous voulons un renforcement de Schengen.” “Nous voulons le renforcement de Frontex (l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, ndlr), nous voulons le renforcement des évaluations, nous voulons davantage de moyens pour que les frontières de l'espace Schengen soient garanties, et nous disons qu'il n'y a aucune raison de ne pas évoquer la clause de sauvegarde si un pays est défaillant à garder les frontières des autres”, a également précisé Sarkozy. Cette position est partagée par l'Italie, puisque Rome et Paris ont annoncé leur décision de travailler ensemble sur la réforme du traité de Schengen. Emboîtant le pas à son homologue français, Berlusconi dira : “Je le dis franchement : les choses doivent être réglées entre des pays amis sur la base des traités existants.” Et d'expliquer : “Personne ne saurait nier Schengen, mais dans des circonstances exceptionnelles, nous pensons qu'il doit y avoir des modifications du traité de Schengen sur lesquelles nous avons décidé de travailler ensemble.” Dans ce cadre, Berlusconi a expliqué que dans la lettre adressée à Barroso, il est demandé “une collaboration des pays du sud de la Méditerranée, dans la lutte contre l'immigration clandestine et une plus grande solidarité de nos partenaires européens dans l'accueil des réfugiés”. “Les pays du Sud ne doivent pas être laissés seuls lors de grandes crises migratoires”, a-t-il indiqué, ajoutant que Rome et Paris vont travailler ensemble avec Tunis dans la surveillance des côtes tunisiennes.