L'armée, dépositaire du pouvoir, a annoncé qu'elle allait déférer les 190 personnes arrêtées dans le cadre de ces violences devant des tribunaux militaires. Le Premier ministre égyptien Essam Charaf tenait hier une réunion de crise de son cabinet au lendemain des violents affrontements entre musulmans et chrétiens qui ont fait dix morts au Caire, alourdissant un climat déjà tendu entre les deux communautés. L'armée, dépositaire du pouvoir, a annoncé qu'elle allait déférer les 190 personnes arrêtées dans le cadre de ces violences devant des tribunaux militaires. M.Charaf, qui prévoyait une tournée hier aux Emirats arabes unis et à Bahreïn, a reporté son voyage et convoqué «une réunion d'urgence du cabinet pour examiner les événements regrettables à Imbaba», selon l'agence officielle Mena et la télévision d'Etat. De violents affrontements ont opposé samedi soir musulmans et chrétiens à Imbaba, un quartier populaire du Caire, ravivant les fortes tensions interconfessionnelles qui traversent le pays. Dix personnes ont été tuées et 186 autres blessées, selon un dernier bilan de la télévision d'Etat. Les principaux affrontements se sont produits autour d'une église du quartier, attaquée par des musulmans estimant qu'une chrétienne voulant se convertir à l'islam y était enfermée. Une autre église a été incendiée dans ce quartier, où de nombreux soldats et policiers antiémeute ont été déployés après les violences. Le ministre de l'Intérieur, Mansour Al Issawi, s'est rendu sur place hier. Il a été pris à partie par des musulmans et des Coptes de ces quartiers réclamant davantage de sécurité, a rapporté l'agence Mena. Selon Ali Abdel Rahmane, gouverneur de Gizah, dont dépend Imbaba, le gouvernement a ordonné un dédommagement de 840 dollars pour les familles des victimes et 336 dollars pour celles des blessés. L'armée, qui assure la direction du pays depuis qu'une révolte populaire a chassé le président Hosni Moubarak le 11 février, a exhorté «toutes les communautés en Egypte, les jeunes de la révolution et les théologiens musulmans et chrétiens à s'opposer fermement aux tentatives de groupes obscurantistes de torpiller l'unité nationale». Depuis des mois, l'Egypte connaît une montée des tensions entre communautés, alimentée par des polémiques autour des femmes coptes qui souhaiteraient se convertir à l'Islam mais seraient maintenues cloîtrées par l'Eglise. Plusieurs manifestations à l'appel de salafistes ont eu lieu ces dernières semaines pour réclamer «la libération» de Camilia Chehata et Wafa Constantine, deux épouses de prêtres selon eux séquestrées par l'Eglise. Les deux femmes auraient chacune quitté leur mari après une dispute conjugale, il y a sept ans pour Mme Constantine, l'année dernière pour Mme Chehata. Toutes deux ont été raccompagnées chez elles par la police, après que les Coptes aient assuré qu'elles avaient été enlevées par des musulmans. L'Eglise copte a démenti l'éventuelle conversion des deux femmes, mais aucune des deux n'est réapparue publiquement pour donner sa version des faits. Saisi par des islamistes, le parquet a demandé le 30 avril à entendre Camilia Chehata, mais l'Eglise a refusé de recevoir la notification transmise par un huissier. Les Coptes, ou chrétiens d'Egypte, représentent entre 6 et 10% des quelque 80 millions d'Egyptiens. Présents en Egypte depuis les premiers temps du christianisme, ils s'estiment discriminés et de plus en plus marginalisés dans une société en grande majorité musulmane sunnite. Ils ont été visés par plusieurs attentats, en particulier celui de la nuit de la Saint-Sylvestre contre une église copte à Alexandrie (nord de l'Egypte) qui a fait 21 morts.