Les autorités syriennes affichaient hier leur détermination à faire taire par la force la contestation sans précédent contre le président Bashar Al Assad, en ordonnant à l'armée d'intervenir tour à tour à Banias (nord-ouest) et à Homs (centre). En outre, un vétéran de la lutte pour les droits de l'homme en Syrie, Riad Seif, 64 ans, qui souffre d'un cancer, a été inculpé hier pour avoir enfreint l'interdiction de manifester, selon l'avocat Khalil Maatouk. Les militaires, qui avaient pris position depuis vendredi avec des chars dans le centre de Homs, à 160 km au nord de Damas, ont pénétré samedi soir et hier à l'aube dans plusieurs quartiers tenus par les opposants au régime comme Bab Sebaa et Baba Amr, selon un militant des droits de l'homme. Des tirs de mitrailleuses lourdes ont résonné dans ces deux quartiers, où l'électricité et les communications téléphoniques étaient coupées, a ajouté ce militant. Une vidéo publiée sur YouTube montre une vingtaine de camions remplis de militaires se diriger dans la nuit vers Bab Sebaa. Depuis le début de la contestation, Homs, troisième ville du pays avec un million d'habitants, est le théâtre de manifestations quasi-quotidiennes. D'après l'organisation des droits de l'homme, Insan, 16 manifestants avaient été tués vendredi à Homs quand les forces de sécurité avaient ouvert le feu sur une manifestation qui arrivait à Bab Dreib, dans le centre-ville. A Banias, ville de 50.000 habitants sur la côte méditerranéenne, les communications téléphoniques, l'électricité et l'eau ont été coupées, selon Rami Abdel Rahmane, président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme. «La ville est coupée du monde et dans les quartiers sud, place forte des contestataires, il y a des tireurs embusqués sur les toits», a-t-il ajouté. Samedi, il y a eu des perquisitions et des arrestations de blessés dans les quartiers sud, où vivent 20.000 personnes, selon M.Abdel Rahmane qui redoutait «une catastrophe humanitaire». Son organisation a précisé que plus de 200 personnes, dont un enfant de 10 ans, avaient été arrêtées entre samedi soir et hier matin à Banias. Selon al-Watan, un journal privé proche du pouvoir, l'armée syrienne livre depuis vendredi soir «une bataille féroce contre des groupes qui utilisent des armes lourdes, des roquettes anti-chars et des mitrailleuses» à Banias et dans ses environs. Au moins six personnes ont péri samedi à Banias: quatre femmes qui manifestaient pour la libération de détenus ont succombé à des tirs des forces de sécurité, selon un militant, puis deux personnes ont été tuées en fin de journée, selon un bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui n'était pas en mesure de préciser l'origine des tirs. L'armée intervient à Homs et à Banias après dix jours de siège de Deraa (sud), épicentre de la contestation. Entrée le 25 avril dans la ville, l'armée a arrêté plusieurs milliers de personnes, selon des militants des droits de l'homme. Toujours selon le journal al-Watan, Bashar Al Assad a rencontré samedi une délégation de jeunes Syriens qui «ont évoqué les pratiques violentes de certains agents de sécurité». «Le président Assad n'a pas démenti ces pratiques et a affirmé qu'il s'agissait de comportements individuels et que le gouvernement oeuvrait pour contenir la crise et éloigner la violence», ajoute le journal. A Damas, Riad Seif, grande figure de l'opposition, «a été déféré devant la justice qui l'a inculpé du crime de manifester», a déclaré M.Maatouk, président du Centre syrien de défense des prisonniers de conscience. Riad Seif a affirmé au juge avoir été «frappé à la tête par les agents de sécurité» avant d'être arrêté vendredi après la prière, près d'une mosquée dans le centre de Damas.