Claude Guéant, qui espère expulser plus de 28.000 sans-papiers d'ici la fin de l'année, a désormais entre les mains un arsenal juridique redoutable. Comme dans un mauvais polar, le texte adopté mercredi par l'Assemblée et le Sénat français signe l'arrêt de mort des étrangers malades sans papiers. Il souligne qu'un titre de séjour pour les étrangers malades ne pourra être attribué «qu'en cas d'absence de traitement approprié» dans le pays d'origine. Cette mesure est considérée par le gouvernement français comme le «coeur de la réforme» sur l'immigration. Une double peine où les problèmes sérieux de santé mêlés à des conditions de précarité propulsent les sans-papiers malades dans l'antichambre d'une fin qui se consume à petit feu. Nicolas Sarkozy donne le ton de sa campagne électorale: elle sera axée sur le thème de l'immigration. Implacable, sans pitié, elle fait les yeux doux à ce réservoir de voix très sensible aux thèses racistes et xénophobes acquis originellement à l'extrême droite et que le chef de l'Etat français entend disputer à Marine Le Pen qui a le vent en poupe dans les sondages. La présidente du Front national contribuerait même à l'élimination de Nicolas Sarkozy dès le premier tour de l'élection présidentielle de 2012. Inévitablement, les populations d'origine maghrébine et africaine en feront les frais. Les élus du Palais Bourbon et un peu plus tard, dans la soirée du 11 mai, ceux du Palais du Luxembourg ont entériné le projet de loi ancré aux mesures annoncées par le président français lors du discours qu'il avait prononcé le 30 juillet 2010 à Grenoble. Nicolas Sarkozy s'était fait remarquer et avait soulevé ce jour-là une polémique retentissante en déclarant que la nationalité française devait «être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un gendarme, ou de tout autre dépositaire de l'autorité publique». Ce qui a provoqué une levée de boucliers de la part des associations de défense des droits de l'homme et de personnalités politiques de premier plan. Le Mrap, Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, avait accusé le locataire de l'Elysée de vouloir «mettre un peu plus à mal le principe fondamental d'égalité entre les citoyens en s'alignant sur les thèses du Front national au risque de les légitimer». Ségolène Royal n'a pas manqué de l'épingler. «L'intervention du président Sarkozy marque une nouvelle étape dangereuse et indigne, dans une surenchère populiste et xénophobe. Cette fuite en avant sécuritaire symbolise l'échec de celui qui, hier comme ministre de l'Intérieur et aujourd'hui comme chef de l'Etat, n'a cessé de stigmatiser des territoires et des populations, sans jamais apporter de réponses concrètes à leur sécurité... Notre République est en train de pourrir par le sommet», avait souligné celle qui fut son adversaire à la course à l'Elysée en 2007. Soumis à cette terrible pression le projet qui prévoyait l'extension de la déchéance de la nationalité aux étrangers naturalisés depuis moins de dix ans ayant causé la mort d'une personne dépositaire de l'autorité publique, n'a pas trouvé gré aux yeux des députés et des sénateurs. La loi adoptée mercredi prévoit cependant, de repousser à cinq jours et non pas à deux l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) en ce qui concerne les sans- papiers en instance d'expulsion tandis que les «mariages gris», contractés entre un étranger et une personne de nationalité française abusée dans ses sentiments, pourront être sanctionnés d'une peine de cinq années de prison et d'une amende d'un montant de 15.000 euros indique le texte. Les réactions ne se sont pas fait attendre. «Ce texte est l'enfant du discours de Grenoble et de la chasse aux Roms... Plus de tabous dans la traque intérieure et dans la course à l'échalote avec Mme Le Pen!», s'est écrié Noël Mamère (député Gauche démocrate et républicaine). Le ministre français de l'Intérieur a, de son côté, salué «un texte complet et équilibré pour une politique d'immigration efficace et juste». Claude Guéant a désormais entre les mains un arsenal juridique taillé sur mesure pour mener sa chasse à l'homme.