L'année 2010 aura été marquée en France par un débat passionné sur la loi de l'immigration qui a donné lieu à un véritable bras de fer où majorité et opposition se sont déchirées sur la scène politique française pour défendre ou amender ce texte dont la spécificité essentielle est le durcissement des règles d'entrée et de séjour des étrangers en France. Présenté en mars par Eric Besson, ministre de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale, adopté en octobre par le parlement dans un climat très tendu, cette loi impose aussi une série de mesures coercitives en cas d'arrivée massive de réfugiés, y compris la création de zones de rétention appelées "zones d'attente spéciales". De plus, l'obligation de quitter le territoire français pour un étranger en situation irrégulière pourra être assortie d'une interdiction de retour sur l'ensemble du territoire européen d'une durée maximale de 5 ans. Cette mesure est la traduction en droit français de la directive européenne dite "retour" adoptée en 2008 par le parlement européen, qualifiée par les associations de "directive de la honte" et qui prévoit expressément des restrictions au droit de libre circulation et constitue une étape vers une politique d'immigration européenne. Par ailleurs, les régularisations automatiques accordées aux étrangers entrés illégalement en France depuis plus de dix ans seront supprimées. Le texte de loi préconise en outre la pénalisation des employeurs de sans-papiers et la mise en place d'une batterie de sanctions contre les personnes qui recourent à l'emploi d'étrangers sans titre de séjour. L'étranger ne pourra demander à être rejoint par sa famille qu'après un séjour régulier en France de 18 mois et non plus un an, à condition qu'il gagne au moins le Smic grâce à son travail et non grâce aux allocations. L'autre volet retenu dans cet avant-projet, est celui relatif aux talents étrangers. Une carte de séjour d'une durée de trois ans renouvelable sera proposée aux migrants hautement qualifiés (scientifiques, informaticiens, intellectuels, artistes), susceptibles de participer "de façon significative et durable au développement de l'économie française et à celui dont il porte la nationalité". L'immigration étudiante est également repensée. Les étudiants accueillis seront admis en fonction de plusieurs critères : nationalité, niveau d'études, filière et la priorité sera donnée à un étudiant qui choisira une voie universitaire pour laquelle un manque d'étudiants est constaté. Une carte spéciale de séjour sera délivrée aux meilleurs étudiants en contrepartie de l'obligation de retourner dans leur pays d'origine au terme de leurs études. L'avant-projet de loi sonne aussi la fin des régularisations automatiques accordées aux étrangers entrés illégalement en France, et le traitement des dossiers se fera au cas par cas. L'attribution d'une carte de séjour en raison de l'état de santé est modifiée pour annuler une décision du Conseil d'Etat d'avril 2010 qui estimait que les étrangers devaient être soignés s'ils ne pouvaient "bénéficier" d'un traitement dans leur pays. Désormais, si l'offre de soins existe, la France pourra refuser de les accueillir. Derrière la technicité du texte se cachent des dispositions portant une "atteinte grave" aux droits des migrants, ont estimé ses détracteurs qui considèrent qu'il s'inscrit délibérément dans une "perspective utilitariste". Plusieurs rassemblements et manifestations de rues ont été organisés dans l'ensemble de l'Hexagone par des associations politiques et syndicales de soutien aux immigrés pour dénoncer son contenu et tenter de peser sur le vote des parlementaires. Des empoignades entre forces de l'ordre et manifestants ont même été constatées à la veille de son adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat. Le PS qui, sans surprise a voté contre le texte de loi, l'assimilant à un "recul de l'Etat de droit", a estimé que le gouvernement affiche sa volonté de "piller" les capacités et talents dans le monde pour ne retenir que l'étranger perçu comme "rentable" pour l'économie française. La gauche dans son ensemble a accusé le gouvernement de se "commettre dans l'amalgame entre immigration et insécurité" et opérer une "classification" entre français dit de souche et français d'adoption, soulignant qu'à chaque fois une marche est franchie dans "l'altération des principes républicains". Même la majorité au pouvoir s'est trouvée divisée sur le fond et la forme de cette loi pour laquelle plusieurs députés UMP qui se sont battus pied à pied avec Eric Besson ont exprimé leur hostilité estimant que ce texte ne vise rien d'autre qu'à "draguer" l'électorat du Front national. "Quand le droit des étrangers devient un droit d'exception, c'est le droit tout court qui régresse" avait notamment déclaré Etienne Pinte un député UMP, foncièrement réfractaire à la politique d'immigration prôné par son parti. De nombreuses associations sont également montées au créneau pour dénoncer "l'instrumentalisation" des immigrés, par le gouvernement. Même si elles admettent qu'il est "nécessaire" de démanteler les filières mafieuses, elles ont affirmé ne pas pouvoir accepter qu'il existe en France un "jeu électoraliste" autour de la déchéance de nationalité, ou une "vision utilitariste" des étrangers. Les dispositions de cette loi qui empêchent les étrangers malades de déposer leurs demandes d'admission au séjour pour raison de santé ont également été dénoncées par les associations. Parmi les autres points qui ont suscité la réprobation des ONG et partis de gauche, figure aussi l'allongement du délai d'intervention du juge des libertés. Quand une personne est enfermée en centre de rétention (étape qui précède généralement l'expulsion), le juge des libertés pouvait être saisi au bout de 48h pour contester la légalité de la décision. Avec le nouveau projet de loi, ce délai monte à cinq jours. Ce qui réduit l'influence du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir administratif et permet d'organiser beaucoup plus facilement l'expulsion des personnes arrêtées pendant cette période. Même si la loi sur l'immigration a fini par être adoptée après des débats houleux, cette adoption n'a pas été unanime dans la majorité, puisque 47 élus de droite n'ont pas suivi les consignes de vote.